Pierre Gattaz, président du Medef, demande la suppression de l’obligation faite aux entreprises de motiver les licenciements. Cet homme de cœur se résout à cette extrémité pour lutter contre le chômage. Vous l’ignorez sans doute, mais c’est la difficulté qu’il y a à licencier qui empêche les entreprises d’embaucher. En somme, pour être plus concis, il faut pouvoir licencier vite pour embaucher plus.
Ce précepte est assez paradoxal. On pourrait malgré tout se laisser aller à croire des entrepreneurs aussi talentueux s’ils ne nous avaient pas déjà chanté la même chanson en 1986. Une loi du 3 janvier 1975 obligeait un employeur, quel qu’il soit, envisageant un « licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, d’ordre conjoncturel ou structurel » de recueillir l’ « autorisation de l’autorité administrative compétente ». Les hérauts si compétitifs de l’époque avaient alors clamé que c’était cette mesure qui les empêchait d’embaucher. Dès son retour aux affaires, la Droite avait, par une loi du 3 juillet 1986, supprimé cette autorisation administrative de licenciement. L’histoire a malheureusement prouvé que le diagnostic de nos experts était erroné : le chômage a continué depuis à progresser.
Mais le bienheureux Gattaz souhaite maintenant aller encore plus loin : ne plus avoir à motiver les licenciements. Pourquoi donc ? Aurait-il honte de publier ces motifs ? Plutôt que de devoir prétexter de quelque insuffisance ou de forger quelque faute grave, voudrait-il qu’une entreprise puisse réduire ses effectifs simplement lorsqu’elle constate une baisse de son activité ? Ces valeureux entrepreneurs ont-ils songé qu’en réduisant ainsi la voilure, ils diminuent aussi leur propre charge de travail ? Comme il n’y a pas de petites économies, peut-être feraient-ils bien de réviser aussi leur propre rémunération.
Qu’il est loin ce beau temps de l’esclavage où l’on pouvait éliminer tout simplement le personnel excédentaire ! Dehors, la Loi !