Tout le monde ou presque se souvient de la publication chez Gallmeister, il y a quelques années déjà, de "Sukkwan Island", écrit par un auteur américain alors inconnu, un certain David Vann, tant ce bouquin, le premier de son auteur, avait fait un buzz incroyable et que pratiquement tous ceux qui l'ont lu en étaient essortis complétement sonnés, et totalement subjugés par le style et le sujet;
Malheureusement, comme je l’avais dit ici meme http://www.baz-art.org/archives/2012/01/09/23053362.html, je n’ai pas fait partie de ces très nombreux adorateurs du roman de Vann.
J’avais lu ce roman juste après les fêtes de fin d’année il ya trois ans, période un peu morose s’il en est et j’étais sorti de cette lecture encore plus déprimé qu’avant de l’ouvrir. Il faut dire que le livre appartient au genre qu'on appelle depuis quelques années du "nature writing", autrement dit le retour à la nature, thème cher au cinéma américain ( Into The Wild, Seul Au monde, Tree of live, Mud ) et malheureusement de façon totalement subjective, l je digère mieux les œuvres qui vouent un culte à la nature lorsqu’elles sont accompagnées d’images.
Il faut dire que sans l'expliquer vraiment ( mon côté très urbain certainement), j’ai toujours énormément de mal à me passionner pour les descriptions dans le détail de scènes de pèches ou de chasses, aussi bien écrites soient elles, ce qui est évidemment le cas dans ce "Sukkwand Island". Car incontestablement David Vann possède un vrai talent à planter un décor et instiller un univers d'une noirceur, mais une noirceur quand même difficilement supportable qui atteint un climax total aux deux tiers du livre avec un rebondissement qui secoue par sa brutalité.
Et puis j’avoue que j’avais du mal à éprouver la moindre empathie pour ce père totalement égoïste et irresponsable qui entraine son fils dans son délire mystique sans jamais penser à ce que veut vraiment son rejeton.
Bref ,j’aurais pu tirer une croix sur ce roman de David Vann, et pourtant j’ai voulu lui ( me ?) redonner une chance non pas en le relisant, mais en me plongeant dans une adaptation BD d’une jeune réalisateur français, Ugo Bienvenu, réalisateur, qui se lance dans l’aventure de la bande dessinée en adaptant ce roman qu’il adore et dont la lecture avait été ce choc dont je vous ai parlé au début de ce billet.
Et la lecture de cette BD ( enfin plutôt de ce roman graphique m’a convaincu que les environnements austères, arides, passent mieux pour moi avec le visuel et ici les dessins d’Ugo Binevenu réussissent parfaitement à témoigner de cet environnement naturel fait de paysages arides, rendus plus sauvages encore par l’arrivée des premières grosses neiges.Des dessins vibrants, pénétrants et précis, et que les regards des deux anti héros de l'histoire sont assez intenses.
Et question mise en place de l'intrigue l’auteur prend son temps comme le faisait David Vann, mais cela permet à la tension de s'installer insidieusement, et que le choc dont je parlais quelques lignes auparavant parvienne à laisser le souffle coupé au lecteur, même chez celui qui avait déjà lu le bouquin de Vann.Une belle adaptation d'un roman culte que je suis heureux d'avoir redécouvert par l'entremise de ce beau projet éditorial risqué au départ, mais pleinement réussi à l'arrivée.