Apprendre le code à l’école primaire, la vraie fausse idée

Publié le 10 novembre 2014 par Choblab

Ce billet pourra surprendre l’un de mes dix lecteurs tant je ne suis pas coutumier des prises de position sur des sujets d’actualité. Le sujet de l’apprentissage de langages informatiques par des enfants du primaire me turlupine depuis quelques semaines et je suis obligé de donner mon avis, intrinsèquement personnel (et apolitique).

L’apprentissage du « codage » promise pour les enfants du primaire par l’ex-Ministre de l’éducation a été réaffirmée récemment par le Président lui-même, mais à partir de la cinquième.  A ce propos, soit il désavoue les annonces précédentes, soit il ignore que la 5ème relève du secondaire…

La proposition de loi

Les objectifs fondamentaux et prioritaires qui doivent être assignés aux écoles sont l’apprentissage de la langue française, la maîtrise de la lecture, de l’écriture, l’utilisation des mathématiques et l’apprentissage du codage informatique.

Glisser un « chercher l’erreur » dans  une proposition de loi est facétieux, non ?

La simplicité du codage permet un enseignement très précoce.

By AsbakWiki (Own work) [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

La preuve par l’image :

Je ne vais pas faire l’exégèse de la proposition de loi que je vous invite à lire (le texte est très court). Vous constaterez qu’on y emploie indifféremment codage et informatique, comme si les deux mots recouvraient les mêmes réalités. Faute de définir précisément les termes et notamment ce qu’on entend par codage, la proposition de loi laisse la voie ouverte à toutes les interprétations, et donc aux critiques.

Une finalité discutable

L’emploi est un marché concurrentiel, avec une offre et une demande. Quelle est la proportion des offres d’emploi qui exigent une connaissance de langages informatiques ? Sur quelles bases a-t-on anticipé une évolution telle des métiers d’ici dix ans qu’il soit nécessaire d’enseigner le code dès 7-8 ans ? A-t-on analysé le succès des leaders qui créent des entreprises et des emplois pour en conclure que le secret de leur réussite tient à leur maîtrise du codage ?

Des moyens non identifiés

Comme pour les temps activité périscolaires, le nombre d’animateurs disponibles et compétents ne correspond pas aux besoins. Pour l’enseignement du « codage » informatique, comment va-t-on trouver les compétences disponibles ? Une autre interprétation, plus réaliste, serait de demander aux enfants d’enseigner l’informatique aux enseignants. Ce serait un échange de bons procédés qui renouvellerait la relation enfant-enseignant. Par ailleurs, faut-il vraiment pointer la question du budget pour financer l’achat de matériel ?

Redéfinir les priorités

La réalité, c’est que l’enjeu tient plus à l’utilisation qu’à la conception. Mon fils vient de fêter ses 7 ans et sait depuis longtemps chercher un épisode des Tortues Ninja sur YouTube depuis un iPad. A quoi lui servirait à ce stade de savoir importer un code embed dans une page web ? Il arrivera probablement en 6ème en sachant lire, écrire et compter, tout en maîtrisant l’usage des outils mieux que n’importe lequel de ses enseignants (et mieux que son père également). Il sera alors prêt et mûr pour apprendre un peu de code si on prouve que c’est utile et si on définit le type de code approprié…, pas avant.

Et plus que le code, j’aimerais surtout qu’on lui enseigne la curiosité informatique, qu’il développe la capacité à aller chercher des solutions, que ce soit en allant fouiner sur Internet ou en interrogeant des personnes autour de lui.

Pour résumer, c’est un peu comme le code de la route. Il y a un âge pour identifier un feu rouge et un autre pour savoir comment doubler sans danger ou changer une roue.

On apprend l’anglais, le chinois, il faut apprendre à coder ! A. Lemaire
Source

Combien de personnes dans le monde sont capables de tenir une discussion de 10 minutes en C++ ?

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L’informatique à l’école (Jégoun)