R est un zombie. Il n'a pas de nom, pas de pouls. Mais il rêve. Dans la carcasse d'un Boeing, sa nouvelle demeure, il passe son temps à écouter du Sinatra sur sa vieille platine. R est nostalgique d'un temps dont il n'a gardé aucun souvenir. Son existence d'âme errante lui pèse. Un zombie avec une conscience ? Sérieusement ? Eh oui.
Un jour, lors d'un raid avec ses potes décérébrés, R tue un jeune milicien, lui avale sa cervelle et épargne la vie de la jeune fille qui l'accompagnait. Car R vient d'être frappé d'un étrange phénomène : il s'est retrouvé dans la tête de sa victime, un dénommé Perry. Déboussolé, il entraîne Julie avec lui, dans son royaume des damnés.
Ahem. Je range ma perplexité dans ma poche.
Julie, plutôt docile en de pareilles circonstances, va se fondre dans l'univers de R et ainsi assouvir sa grande curiosité sur les zombies. Et l'on parle d'une histoire d'amour ? Attendez, ne nous emballons pas, et puis c'est techniquement im-po-ssi-ble. Même R nous livre des détails à ce sujet qui dissipent tout malentendu. Merci.
Par contre, chose étonnante, je me suis surprise à rire, mais rire, en lisant ce roman.
Loin d'être un zombie amorphe, R se révèle un narrateur faisant montre d'un humour sarcastique, avec un solide sens de la dérision. Julie aussi a du répondant, mais sous son apparence de fille forte, se cache un être sensible, fragilisé par le décès de sa mère et l'éducation militaire de son père.
Et puis, tout va basculer : Julie se rend à l'évidence, sa place n'est pas dans ce repère de morts-vivants. Mais R n'envisage pas d'être séparé d'elle. Solution de l'équation ? Notre couple improbable doit se résoudre à cet amour maudit ? Non plus. Quitte à tout perdre, autant prendre tous les risques. Yalla !
Ainsi se déroule cette histoire absolument ahurissante, menée tambour battant, totalement imprévisible et sauvage. J'ai ri, mais alors quelle bonne surprise ! Moi qui considérais avec perplexité ce roman proposant une « histoire d'amour entre un Mort et une Vivante », j'ai finalement découvert un récit étonnamment drôle et qui sort des sentiers battus.
Seul le dénouement me laisse dubitative, mais ne nuit pas à mon enthousiasme global. Mine de rien, j'ai tout de même souligné pas mal de répliques hilarantes...
« - J'ai faim, dit-elle.
Je la regarde sans comprendre. Faim ? Qu'est-ce qu'elle veut ? Un bras ou une jambe ? Du sang chaud, de la viande et de la force vitale ? C'est une Vivante... elle veut peut-être se manger elle-même ? »
Ah ! ah ! ...
Bragelonne, octobre 2011 pour la présente édition ♦ traduit par Benoît Domis (Warm Bodies)