Cherche coloc
Je ne regarde plus les annonces par nécessité mais par curiosité, effarement parfois. Au point de presque pouvoir écrire un manuel : « Éviter les selfies en contre-plongée qui donnent à votre visage non souriant un air de serial killer… » (Quand on voit la photo, malgré la répulsion on se réjouit presque qu’elle élimine d’emblée le postulant.)
Restons sur les photos. Certaines filles m’ont dit être importunées fréquemment par des propositions téléphoniques sans détours mais regardez les photos suggestives que d’autres publient. Les « pas sérieux s’abstenir » ou « contacter d’abord par mail » se multiplient, faisant affleurer ces confusions. L’autre jour, c’est un jeune homme torse nu et à budget limité qui proposait aussi des « services » de nature non spécifiée mais ambigüe… Mais il y a aussi les photos des animaux de compagnie, les photos qui se veulent drôles, les photos « Martine à la mer », « Martine fait du ski », « Martine a un copain », « Martine se déguise en fantôme », « Martine fait du skate » …
Passons au texte, il y en a là aussi pour tous les goûts. Ceux qui déversent leur bile : « je n’en peux plus de vivre dans le bruit du matin au soir je vis avec le bruit des autres, personne respecte personne, les étudiants qui foutent le bordel sans se préoccuper de leur environnement et j’en passe… » Ceux qui se racontent à outrance, pensant passer un casting en 10 lignes, ceux qui révèlent en creux leurs mauvaises expériences passées : « Côté vie au sein de la coloc, je cherche la bonne ambiance avec des personnes responsables c’est à dire pas d’after soirée ni orgies qui stagnent sur plusieurs jours au détriment des autres, pas de règles ni calendrier ménage mais une maison qui reste propre car tout le monde y vit et aime y vivre. »
Des profils se dessinent : les « festifs », les « studieux », les « maniaques »… Bien sûr, il y a aussi les annonces plus soft : « Cherche coloc à partir du… budget… » L’art d’écrire une annonce fabrique celui de les lire. Si un premier tri s’opère, l’aventure ne fait que commencer car le plus compliqué au fond reste comment vivre avec…
Colette Milhé