La cage à oiseaux est un réceptacle qui intéresse les deux sexes, selon qu’on considère ce qui y entre ou ce qui en sort.
Voici quelques exemples où elle penche côté fille, en tant que lieu accueillant pour les petits oiseaux.
Le nid d’oiseau
Nicolas Lancret, début XVIIIème, Musée des Beaux-Arts, Valenciennes
Ce petit tableau très explicite est exceptionnel pour Lancret, habituellement plus prude.
On y voit une jeune paysanne attirant du bras gauche un paysan qui lui présente un nid . Elle jette un regard intéressé sur l’oisillon, en s’appuyant du bras droit sur la cage toute prête à l’accueillir.
Ce transfert du nid à la cage illustre presque littéralement une vielle chanson vendéenne :
« C’est un petit oiseau, Isabeau,
c’est un petit oiseau, Isabeau
l’oiseau est trop volage
il pourrait s’envoler
prête-la-moi, ta cage
il pourrait s’envolerL’oiseau fut pas dedans, bonnes gens (bis)
Qu’il commence à s’étendre
Prendre du mouvement,
Bonnes gens,
Prendre du mouvementPendant c’temps-là, la belle (bis)
Prend du réjouissement,
Bonnes gens
Prend du réjouissement … »L’oiseau volage, folklore vendéen, cité par Marc Robine : « Anthologie de la chanson française. La tradition » Albin Michel. Paris. 1994.
O l’estroit élargir
Daniël Heinsius, Emblemata amatoria (1607/8)
La métaphore est présente dans les livres d’emblèmes, mais avec une grande hypocrisie.
Le texte latin donne ici un sens noble et général :
Cherchant les étendues, l’oiseau est capturé. Ainsi, nos liens
nous tiennent large, mais ne nous compriment pas moins.Laxa petens capitur volucris: sic vincula làte
Nostra patent, arctè nec minus illa premunt.Voir Emblèmes en ligne : http://emblems.let.uu.nl/he1608012.html
L’image rend visible l’ambiguïté du texte : la plainte « O l’estroit élargir » est censée concerner l’oiseau qui se trouve dans la cage (l’amoureux qui souhaiterait reprendre le large) ; mais ce que l’image nous montre, c’est un oiseau qui, encouragé par Cupidon, risque sa tête dans l’étroit vestibule, qui mène à la cage spacieuse où il pourra se déployer.
Le double-sens de la devise est traduit par un double sens de circulation dans l’image : de l’intérieur vers l’extérieur de la cage, ou vice versa.
La cage
Fragonard , vers 1760, 65,
The Norton Simon Foundation, Pasadena
Le berger présente entre ses mains une blanche et fidèle colombe, qui aspire à rejoindre le nid brandi haut par la jeune bergère.
De l’autre main, celle-ci tient discrètement la corde qui déclenche le piège à oiseaux situé en contrebas : manière de signaler que, si la colombe n’est pas fidèle, des remplaçants sont faciles à trouver.
Les dénicheurs d’oiseaux (The Bird catchers)
Boucher, carton pour une tapisserie de Beauvais,
1748, Getty Museum, Los Angeles
Digital image courtesy of the Getty’s Open Content Program
Cette orgie pastorale contient deux chérubins, trois cages, quatre garçons, quatre oiseaux et cinq filles : c’est dire que les combinaisons possibles sont nombreuses, et devaient faire la joie des amateurs de scènes galantes.
A l’extrême gauche, la corde tenue par un garçon fait allusion au piège que Fragonard nous montrait, mais qu’il faut ici deviner.
A l’extrême droite, symétriquement, un chérubin laisse voleter, en hors champ, un oiseau retenu par une ficelle.
Lus de gauche à droite, les quatre oiseaux obéissent à une certaine logique naturelle :
d’abord on les embrasse…
puis on les encourage…
puis on s’amuse à leur faire étendre les ailes…
…et pour finir on les fourre dans la cage !
L’oiseau privé
Gravure de Debucourt, fin XVIIIème
Ici, la métaphore du piégeage, en se voulant plus directe, confine au grotesque : une dame seule renversée devant un porche béant, agite une rose vers un oiseau qui fond droit sur elle, telle la flèche qu’aurait pu décocher la statue de Cupidon.
On comprend que l’oiseau surexcité, dédaignant la rose (comprenons les tétons dénudés) va s’engouffrer tête la première dans la cage.
Ma chemise brûle
Fragonard, dessin, Louvre, Paris
Rentrons à l’intérieur des alcôves, avec ce dessin très enlevé de Fragonard.
Nous sommes dans la chambre des filles. L’une d’elles a le feu au cul. Une compagne lui propose sa cruche, pour résoudre ce petit problème.
La solution définitive consisterait sans doute à faire descendre la cage à oiseaux que ces dames gardent près du plafond, suspendue par un système de poulies.
La Cage inaccessible
Boilly, fin XVIIIème, localisation inconnue
Le comique tient ici au fait que la cage est inaccessible pour des raisons différentes : ni le vieux libidineux, trop vieux, ni le petit enfant, trop petit, ne réussissent à remettre l’oiseau dans la cage que leur présente la mère, ouverte juste à la bonne hauteur.
Reste au vieux ses lorgnons et son livre ; et au jeune, à attendre d’être assez grand pour comprendre et pratiquer la métaphore – si possible avec une cage moins inaccessible que celle dont il est issu.
L’oiseau s’est envolé
Ferdinand de Braekeleer, 1849, Musée de l’Ermitage, Saint Petersbourg
Ce tableau réchauffe tardivement le symbolisme traditionnel hollandais, en forçant quelque peu sur la métaphore.
La fille grimpée sur la table agite un épi pour attirer l’oiseau et lui faire réintégrer sa cage. Le jeune frère retient le chat. Le père prend à témoin le spectateur : « Court toujours, qu’il va revenir ! » en désignant du pouce l’arrière-salle où un jeune homme – sans doute l’amoureux volage – conte déjà fleurette à l’autre soeur.
Le toucan
Pinup de Gil Elvgren
En rajoutant la cage – qui ne figure pas sur la photographie – l’illustrateur nous plonge dans des affres interprétatives : le toucan, double symbole phallique, est en effet capable d’attaquer la dame côté bec et la cage côté queue.
De plus, l‘appareil photo complique la donne : car tout comme le nid de Lancret, c’est un endroit qui héberge un petit oiseau.
Moralité : les femmes qui veulent juste faire sortir ce petit oiseau risquent fort de devoir mettre en cage un oiseau de taille redoutable.