Ces poèmes sont issus du recueil Comme un château défait (1993) paru chez Poésie/Gallimard.
Lionel Ray, né en 1935, est agrégé de lettres et a reçu le Prix Goncourt de la poésie (1995). Son œuvre poétique a été publiée chez Gallimard.
Ces poèmes m’intéressent particulièrement parce qu’ils abordent le thème de l’identité.
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Le froid te pénètre et t’éveille,
tu es multiple et vide, te voici
dans les paroles éparses, dans un vertige
Qui n’a pas de centre, tu n’es
personne, dispersé dans l’absence,
Perdu, sans lieu, naufragé de quel
voyage, dans la fraîcheur nouvelle
du plus vaste oubli.
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Ce qui parle dans le bois, ce qui parle au bord
du gouffre et dans l’horloge et dans l’effondrement
des heures, te ressemble.
Ce qui parle dans le feuillage des consonnes,
dans l’encre des nuages, te ressemble.
Ce qui parle dans les plaies et les fusils sanglants
dans les crimes et les branches brisées
de la forêt humaine, te ressemble.
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Un enfant peut-être avait pleuré,
une porte peut-être s’était fermée,
le sable s’était changé en nuit.
Je ne sais rien de ce qui fut,
je parle dans la pénombre,
Là où le silence est pareil aux statues.
Toi qui t’en viens avec sur le visage
le masque du temps,
qui donc es-tu ?
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Ce visage est le tien
et tu ne le reconnais pas.
Tu es une sorte de carte ancienne,
Inconnue, figure d’un jeu d’autrefois,
un jeu perdu.
Et tu écris comme un qui dort,
comme si toute vérité
était morte, ou sans signature.
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Contre la vitre vient battre
le bruit du monde.
Ce qu’il y a d’éveillé en toi,
Comme l’écho murmurant
d’une source, accompagne l’écriture
Des oiseaux. Le corps est devenu
plaines et montagnes. Sur l’axe du temps
tourne la roue des aubes.
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