La cage à oiseaux : en sortir

Publié le 09 novembre 2014 par Albrecht

Présentée ouverte avec l’oiseau qui va ou qui vient de s’échapper, la cage  symbolise souvent  la défloration (voir L’oiseau envolé). Mais parfois, elle perd ce caractère irréversible et dramatique pour devenir, simplement, un lieu qui héberge un petit oiseau.

La Cage à Oiseau

Lancret, 1735, Alte Pinakothek, Munich


Lancret n’est pas un fanatique du symbolisme galant. Mais ici, les enfants tapis dans le taillis à droite suggèrent qu’il y a quelque chose à voir pour l’éducation de la jeunesse.

Effectivement, la fille de droite taquine l’oiseau  dans la cage que le berger-gentilhomme a posé sur sa cuisse, tandis que la fille de gauche, brandissant  la houlette, démontre l’effet qui peut en résulter.

Rappelons que la houlette est un « bâton de berger, muni à son extrémité d’une plaque de fer en forme de gouttière servant à jeter des mottes de terre ou des pierres aux moutons qui s’éloignent du troupeau. »

Cage et houlette  fonctionnent donc ici comme deux images de l’attribut viril, pris dans des états différents.


Le Pasteur Complaisant

Boucher, 1739, Hotel de Soubise, Paris


Complaisant certes, ce pasteur qui tend sa cage à   la bergère, afin qu’elle puisse en extraire l’oiseau pour en faire ce qu’il lui plaira.

La cage joue ici le rôle d’une braguette amovible et champêtre.


Nous allons suivre Boucher dans deux autres scènes bucoliques,

avant de revenir à la cage proprement dite.

Le Panier mystérieux

Boucher, 1748, National Gallery of Victoria, Australie


Ce tableau constitue le premier moment d’un pendant : un berger dépose à côté d’une fille endormie un panier de fleurs, parmi lesquelles il a glissé un mot d’amour.

Les métaphores sont ici gentiment pré-freudiennes : le rondin qu’il tient d’une main et le panier qu’il tend de l’autre relèvent bien sûr de la dialectique des saillants et des récipients.

L’agréable leçon

Boucher, 1748, National Gallery of Victoria, Australie


Dans le second pendant, une double focalisation a eu lieu : les deux se sont  physiquement rapprochés et les métaphores sont devenues plus nettes. La fille apprend à jouer du pipeau tout en effleurant le bâton du berger, lequel taquine, sur le sol, le cercle vide d’une couronne de fleurs.

La panier posé au bord du talus est bien prêt de verser, dilapidant en un instant son précieux contenu.

Le joueur de flageolet

Boucher, 1766, Collection particulière


Les mêmes symboles peuvent se combiner différemment : ici le flageolet frôle visuellement la couronne, tandis que la calebasse du berger entreprend le chapeau de la donzelle dont le pied, en se posant sur celui du garçon, concrétise ces métaphores inventives.

La Cage

Boucher, 1763,   musée Baron Gérard, Bayeux


Tous ces préliminaires nous permettent d’identifier  la couronne vide, l’oiseau comme substitut du pipeau, et même le bout de rondin proche de copuler avec la cage ouverte. Bien que située physiquement derrière le garçon, celle-ci se situe métaphoriquement dans le camp de la fille, confrontant  sa béance  à la plénitude  encore intacte du panier.

Panier et cage fonctionnent plutôt ici comme deux images de l’attribut féminin, pris avant et après.

L’inventivité métaphorique et le plaisir du second degré   n’est pas l’apanage du seul XVIIIème siècle français. En voici un exemple frappant, qui établit par dessus les siècles et l’Atlantique une forme de continuité, entre la France rococo et l’Amérique des pinups.

Le petit oiseau va sortir

Vaughan Bass, vers 1950


L’appareil photo, avatar moderne de la cage, est ici opéré par une pinup : elle se prépare à  actionner la poire pour déclencher la sortie du petit oiseau.

Premier gag  : celui-ci est en fait déjà sorti,  ridiculisé dans la  marionnette que tient du bout des ongles notre explosive photographe, pour faire sourire ses clients.

 Second gag : en levant la poire, elle relève involontairement sa jupe, se livrant elle même au ridicule.

Moralité : les femmes qui troussent la majesté virile des appareils à soufflet et des trépieds érectiles risquent fort, elles aussi,  de se retrouver troussées.