Il n’y a rien qui contribue davantage à la douceur de la vie que l’amitié; il n’y a rien qui en trouble plus le repos que les amis, si nous n’avons pas assez de discernement pour les bien choisir.
Les amis importuns font souhaiter des indifférents agréables.
Les difficiles nous donnent plus de peine par leur humeur qu’ils ne nous apportent d’utilité par leurs services.
Les impérieux nous tyrannisent: il faut haïr ce qu’ils haïssent, fût-il aimable; il faut aimer ce qu’ils aiment, quand nous le trouverions désagréable et fâcheux.
Les jaloux nous incommodent: ennemis de tous les conseils qu’ils ne nous donnent pas, chagrins du bien qui nous arrive sans leur entremise, joyeux et contents du mal qui nous vient par le ministère des autres. (p.55)
Mais, quelque honnêtes, quelque réglés que soient les amis, c’est une chose incommode que d’en avoir trop: nos soins partagés ne nous laissent ni assez d’application pour ce qui nous touche, ni assez d’attention pour ce qui regarde les autres.
Vivons pour peu de gens qui vivent pour nous, cherchons la commodité du commerce avec tout le monde , et le bien de nos affaires avec ceux qui peuvent nous servir. (p. 61)
Les charmes de l’amitié, Charles de Saint-Évremond
(La part commune, 3e trimestre 2014, 62 p.)