J'ai été témoin d'une agression, pour la première fois de ma vie.
J'ai passé vingt et un ans à ne faire qu'affabuler sur ma manière de réagir si cela m'arrivait. On m'a donnée, aujourd'hui, l'occasion de faire mes preuves. Une chose est sûre, c'est ce que je suis déçue de moi-même.
J'étais dans ma voiture, sur le parking de chez ma belle-mère. Je vois un jeune homme qui s'agite, je ne relève pas forcément, de toute manière je n'habite pas dans une ville réputée pour son calme et ses habitants dignes de confiance.
Je remarque vite qu'il est en train de taper quelqu'un, quelqu'un qui ne réplique pas. A y regarder de plus près, c'est une jeune femme qui est recroquevillée contre une voiture, et qui encaisse ses coups sans pouvoir se défendre.
Première étape. L'état de choc. Quelques secondes sont passées, pendant lesquelles j'avancais lentement, prétrifée par ce que je voyais. Je travaille à la SNCF, et je pensais que les pics de violence, je les découvrirai au boulot. Même en gare je n'avais jamais vu tant de violence et de cruauté. Il enchaînait les baffes, les coups de poing, je serais bien incapable de vous dire ce qu'il faisait précisément. C'est arrivé il y a quelques heures, et pourtant c'est flou dans ma tête. Dans un second temps, le gars s'est barré. Je me suis arrêtée près de lui, et enhardie par la colère que me provoque tant de lâcheté, je lui demandé si ça allait bien dans sa tête de bâtard, s'il n'avait pas honte de taper une femme, qu'il devrait crever de honte. Bien sûr, monsieur a passé la moitié de son corps par la fenêtre de ma voiture pour menacer de me frapper également, mais ça ne m'a rien fait. Je lui ai dit qu'il le fasse, qu'il me baffe. Il a hurlé que je ne connaissais rien à ses histoires et il est parti, furax.
Je suis partie aussi, et suis retombée dans mon état de choc. Quelques minutes plus tard, je me suis rendue compe d'une chose ignoble : je n'avais pas été voir la jeune femme pour lui demander si elle allait bien. C'est quand même triste de donner de l'importance à l'agresseur, celui qui ne mérite que l'indifférence la plus complète, et d'oublier complètement la pauvre femme qui a subi ses coups et sa colère. Quand même bien l'a-t-elle quitté pour un autre ou trompé avec la moitié de la ville, aucune femme ne mérite cela. Je n'irai pas jusqu'à dire que personne d'humain ne le mérite, car cela ferait du bien à certaines personnes de subir ce qu'ils font subir à leurs victimes, les meurtriers pour ne citer personne.
Mais merde, une femme... C'est une femme qui nous a tous mis au monde. Celle qui portera ton enfant neuf mois avant de lui donner la vie, c'est une femme. Une femme, à mes yeux, c'est tant de force et de fragilité à la fois. Merde, la violence c'est quand même un sacré fléau. Et les spectateurs, qui comme des cons ne font rien, ou s'en prennent à l'agresseur en oubliant le vrai problème : la victime.
J'étais en train d'aller chercher du Subway. Autant vous dire que j'avais plus rien envie de faire, sauf aller me rouler en boule dans mon lit et ruminer. J'ai eu besoin, une fois à l'arrêt, de souffler un coup et de me reposer un peu. Mais rien n'y a fait : j'étais choquée. La violence existe, et j'en ai une preuve autre que les journaux télévisés et les clients qui me crient que je suis une salope quand il y a trop de monde dans ma file d'attente. La vraie violence existe, et nous devons être là pour ceux qui la subissent, leur montrer qu'ils ne sont pas seuls, et leur redonner confiance en l'humain. Pas seulement penser à tout le mal que l'on souhaite à leur agresseur. Ce n'est pas suffisant.
La prochaine fois, j'espère être fière de moi.