Alias Caracalla

Publié le 08 novembre 2014 par Allo C'Est Fini

C’est en écoutant Daniel Cordier aux Matins de France-Culture, en juin 2010, que j’ai eu envie de lire son livre, Alias Caracalla. Son témoignage était plus que passionnant. Pourtant, depuis que je l’avais reçu via Amazon, je n’avais pas ouvert ce pavé de plus de 1100 pages, par paresse plus que par désintérêt. Et puis il y a deux semaines, je suis tombé dessus en rangeant quelques affaires, et j’ai décidé de me lancer. Je n’ai pas été déçu: ce livre ne m’a pas quitté depuis.


Alias Caracalla, c’est le récit de trois années de guerre, de juin 1940 à juin 1943. Plus précisément, de la défaite française face à l’Allemagne, jusqu’à la capture de Jean Moulin. Daniel Cordier y raconte ces années de guerre, avec un regard sans complaisance, factuel et empreint d’une honnêteté sans limite.

Cela commence par son départ mouvementé vers l’Angleterre, puis se poursuit par les deux années qu’il y passe à se former pour devenir un officier des forces françaises libres, son intégration au BCRA, son parachutage en zone libre en juillet 42. Expédié pour être le radio de Georges Bidault, il devient le secrétaire personnel de Jean Moulin.

La suite, c’est un l’histoire bouleversante de cette guerre que se livrèrent les chefs des différents mouvements de résistance à l’occupation, pour s’emparer du pouvoir. C’est l’aspect politique et non la lutte armée que retrace Cordier. Nulle trace d’attentats, de trains qui déraillent, de lignes coupées ou d’exécutions de collabos dans ce livre (sauf un cas). Non, la violence réside dans les échanges acides entre Frenay, d’Astier de la Vigerie et Moulin, représentant d’un de Gaulle qui n’avait pas encore acquis toute la légitimité qu’on lui attribue aujourd’hui.

Cette lutte de pouvoir se traduit, entre autres, par la distribution de fonds, envoyés par les alliés, pour soutenir l’effort des différents mouvements. Car sans argent, impossible d’alimenter le maquis du Vercors naissant, de recruter de nouveaux combattants ou de se loger en toute discrétion. Ce contrôle financier poussera, par exemple, Frenay à ouvrir des négociations directes avec les alliés pour court-circuiter de Gaulle et son représentant, le délégitimant aux yeux des autres mouvements.

Cette lutte est aussi celle qui oppose les anciens partis politiques, et les mouvements qui ne veulent pas voir resurgir la IIIe république, dont une partie des représentants a porté Pétain au pouvoir. Il faut bien comprendre que tous souhaitent la même issue au conflit, tout oppose ces individus sur la forme de régime politique, ou les leaders qui doivent s’y retrouver. Etonnamment, on assiste à la mutation d’un Daniel Cordier jeune royaliste, Maurrassien, qui évolue lentement vers l’acceptation de la république: oui, il y eut des résistants non républicains, et c’est peut-être ce qui m’a le plus surpris dans ce livre.

Cordier retrace avec une exactitude déconcertantes ces douze mois terribles qui précèdent la création du Conseil de la Résistance, suivi de peu de l’arrestation du général Delestraint, de Jean Moulin et de plusieurs résistants impliqués dans les différents services non combattants: relève du courier, secrétariat. C’est cet aspect administratif que je ne connaissais pas, qui se précise au fil de ces pages.

Ce livre a, depuis, été adapté à l’écran. Mais sa lecture s’impose à tous les publics, petits ou grands, qui y découvriront l’envers du décor.

On peut retrouver une partie de l’émission citée en amont de cet article ci-après.


Daniel Cordier – Les Matins par franceculture

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