Magazine Culture

Interview | Focus sur Helluvah, sacrée artiste !

Publié le 08 novembre 2014 par Generationnelles @generationnelle

Avec son nom énigmatique, Helluvah enchante depuis 3 albums la nouvelle scène rock indépendante. L’artiste nous a raconté toutes les étapes de son nouvel album Long Distance Runners bien plus électro de l’écriture jusqu’au pressage en version vinyle. Une rencontre avec Camille pleine de spontanéité sur son métier, la britpop, la scène indépendante, les folles heures des salles de concert et un amour démesuré pour la culture anglo-saxonne.

Qui est Helluvah? Qu’est-ce que ça veut dire au fait?
C’est moi, Je m’appelle Camille, j’ai 32 ans, je vais sortir mon album début 2015. Ceci est un extrait vinyle avec un titre de l’album et deux remixes, c’est du rock indé avec des consonances électro. Je suis née à Paris mais j’ai grandi à Nice . La prononciation à l’américaine c’est « Hell of a » … C’est de l’argot américain en gros qui signifie « c’est une super soirée » J’ai trouvé le nom en lisant un livre en anglais, j’ai trouvé ça marrant ce contraste entre le sens presque vulgaire et la prononciation du mot quasi hébraïque.

10338315_10151987419481853_3652233113349292308_n


Avant Helluvah, c’était un autre mot anglais, c’était « Fog »…
Oui c’était quand j’étais au lycée… il y a très longtemps ! On a toujours joué dans le même bar le Staccato, dans le vieux Nice. On était 4 : batterie, basse, chant, guitare. Souvenirs d’adolescents mais premier pied à l’étrier avec principalement des compos ! Quand j’ai quitté Nice pour Paris, j’ai recommencé toute seule, je n’avais pas le sentiment d’avoir un niveau technique assez bon pour intégrer un groupe. Je voulais approfondir la guitare, le chant, la composition, je pensais m’épanouir plus facilement en gérant tout. Je voulais prendre mon temps et faire les choses par moi-même.

Le 1° EP, il s’appelait Lost in Progress, toujours de l’anglais, comme dans la majorité des paroles, pourquoi de l’anglais toujours?
C’est une langue que j’ai étudiée. Il y avait quelque chose de naturel à écrire en anglais même si ce n’est pas ma langue maternelle, ça correspondait à ce que j’écoutais. Les paroles sont assez mélancoliques. C’est peut-être une fausse impression ou un cliché mais j’ai l’impression que la musique triste est plus intelligente. C’est chercher une sorte de profondeur, plus facile à trouver dans la noirceur et la mélancolie. Pour le 3° album il y a tout de même des choses un peu plus gaies mais ce n’est pas facile de faire de la chanson joyeuse en fait !

Dans les influences premières, il y a la Brit Pop…
Oh oui totalement! J’avais 13 ans au moment de la Brit Pop au milieu des années 90, époque où ce mouvement était très fort. Je suis vraiment tombée dedans, tout le monde en parlait, de cette guéguerre entre Oasis et Blur. J’étais alors pro Oasis puis j’ai vu Blur en concert à 15 ans à Nice, c’était l’événement de l’année voire de la décennie. .. pour moi ! J’étais subjuguée! J’aime toujours les deux mais Blur a mieux vieilli quand même. (sourires)

Dans les comparaisons qu’on a entendues le plus souvent sur vous, apparaissent  PJ Harvey, Shannon Wright, Cat Power, ce sont des artistes qui vous ont inspirée aussi ou c’est juste parce que vous êtes une femme et que vous faites du rock?
Ce sont des artistes qui me plaisent énormément. Cat Power je l’ai découvert à 20 ans sur une compil’ des Inrocks, en automne 96, Nude As the News, PJ Harvey assez tard dans sa carrière, avec l’album Is this Desire?, c’était la première fois que j’écoutais une artiste féminine, avant je n’écoutais que des groupes de mecs. Après je trouve que c’est la facilité de comparer une chanteuse rock à ces artistes-là car il n’y a pas beaucoup de références, c’est clivant, la hauteur de la voix n’est qu’un élément. Après ce sont des comparaisons très bonnes donc je ne vais pas m’en plaindre non plus ! (sourires)

Vous êtes quand même une femme qui fait du rock, vous avez participé au festival  » Les Femmes s’en mêlent « , et fait beaucoup de 1° parties de femmes : Moriarty, Long Blondes, Alela Diane, et appartenez à un grande scène féminine rock. Qu’est- ce que ça veut dire aujourd’hui de faire du rock quand on est une femme?
C’est une bonne question qui en est de moins en moins une car il y a beaucoup plus de femmes qui font du rock, c’est de moins en moins une exception mais néanmoins il n’y a pas de parité. Je ne pense pas qu’un homme fasse du rock et qu’une femme fasse du « rock de femme ». Dans les deux cas, c’est du rock et il ne faut pas penser que la femme fasse une musique liée à son sexe. Avant tout, il faut défendre la musique féminine pour qu’il y ait cette forme de parité. Ce n’est pas une fin en soi mais un moyen.

Ce moyen s’est fait pour vous en mode folk puis rock puis électro. C’était des expériences successives ?
Il y a quand même un lien. J’ai commencé par le folk car seule, c’est plus simple avec une guitare. A partir du 2° album, j’ai été accompagnée par un batteur, j’avais envie d’un côté rock. Après tu évolues et tu veux mettre des sonorités. De plus en plus de groupes mélangent le rock et l’électro, donc ça te donne beaucoup d’idées. Notamment le groupe Two Door Cinema Club que j’aime beaucoup. Je trouve qu’il allie bien le rock et ce côté dansant donné par des boîtes à rythme.

Cet album justement, il est bleu et violet et musicalement, il donne quoi?
Cet album est peut-être plus varié que le précédent, plus travaillé, avec différentes ambiances. Et j’ai fait appel à des collaborations dont Marc Huyghens de Venus. C’est bien aussi de confronter sa musique à un regard extérieur notamment grâce à la reprise par Melissa Laveaux. On est assez éloignées musicalement mais dans son dernier album, il y a des petites touches électro et je me suis dit : « Voyons une vision différente de moi et passons par son filtre ». J’écris et compose, Bob mon batteur est mon regard extérieur habituel, là c’était très différent. Sa reprise est magnifique, le morceau original est assez électro alors que Mélissa a fait un travail énorme sur les voix, la guitare. C’est vraiment une réinterprétation totale.

Short Distance Runners EP HD

Cet album a été lancé aussi en crowdfunding …
Oui, par Kiss Kiss Bang Bang, c’est un bon moyen maintenant pour les artistes indépendants en musique. J’ai choisi de produire cet album moi-même donc on avait besoin d’un minimum de fonds ; c’est finalement vendre ton album avant l’heure. ça a bien fonctionné, ça nous a permis d’acheter du matériel, de payer ce vinyle (presser des vinyles ça coûte très cher), et de travailler avec une certaine sérénité. C’est difficile cette plateforme, car si tu n’arrives pas à l’objectif tu ne touches rien, il fallait donc un montant pas trop élevé, il fallait aussi chiffrer les besoins.

Pourtant vous êtes signés sur un label!
Oui mais ça (rires) ! J’ai toujours été dans des labels indépendants et les ventes de disque s’effondrent, les labels indé n’ont pas forcément les moyens de produire et ce n’est plus comme avant où tu signais pour 3 albums et ta maison de disque payait tes frais d’enregistrement. Maintenant, c’est compliqué. Le fait d’être signé ne garantit pas tout, même quand on est dans un beau label (Ndlr: le même que Brian Jones Massacre), ce n’est pas du tout sa faute, c’est l’industrie du disque qui ne fonctionne plus comme ça pour les artistes indépendants à mon niveau. Triste réalité du marché.

Helluvah photo promo 2 ∏ DIdier Cluzeau

Chaque pochette est très jolie, mais vous n’êtes pas représenté. C’est un choix esthétique?
Il y a deux choses, quand tu regardes les pochettes avec les gens en couverture, tu vois vraiment le nombre des années qui se sont écoulées à la coupe de cheveux, aux vêtements, … Une pochette sans visage va être un peu plus intemporelle. C’est intéressant d’accomplir un travail artistique pour transformer l’album en un message graphique, plus que ma tronche en photo. Pour le dernier, c’est le travail de Marc-André Surprenant-Le Gac, ce fut une collaboration assez longue, je lui ai envoyé l’album à l’amont pour qu’il écoute. Une pochette c’est hyper important car à sa vue, tu dois savoir à quelle catégorie de musique elle appartient. Il faut donc une certaine cohérence. Dans le titre, il y a l’idée de « Long Distance », avec la montagne en vue aérienne, il y a aussi l’idée d’une distance pas toujours plane, avec des hauts et des bas comme un artiste indépendant, la montagne ne paraît pas infranchissable.

Pour parler d’image, et de mode, il faut parler du choix de votre look.
J’ai trouvé ça (elle montre sa parka) dans une brocante de fringues dans le Jura et je l’ai payé pour la modique somme de 5 euros, un bon investissement pour l’hiver. (Sourires) Je n’ai pas de costume de scène mais j’essaie de mettre un habit où je me sens à l’aise et qui soit un peu chouette. J’essaie d’allier les deux, pas toujours avec bonheur! (Sourires) Je ne sais pas après si j’assumerais de mettre des paillettes car ça ne correspond pas à la musique. Par exemple j’essaie de porter du noir car ça mincit c’est toujours bien pour les photos de scène. J’y pense quand même un peu! Les lunettes ce sont de vraies lunettes, ce n’est pas un accessoire de mode, c’est aussi de l’ophtalmo! (Rires)

Helluvah photo promo 4 ∏ Didier Cluzeau

Il y a les Reines du shopping, et vous votre dada en shopping c’est pour quoi?
Soit dans du matériel, soit dans les livres, je vais même en acheter plus que de la musique. Je suis assez fan d’auteurs anglo-saxons comme Douglas Coupland, Jonathan Coe, Dona Tartt et sinon je lis pas mal de romans policiers parfois nordiques comme Henning Mankell. Je ne claque pas beaucoup d’argent dans mes fringues mais cependant j’aime me faire plaisir avec de belles chaussures en daim, merci d’exister Ventes Privées !

On a parlé des premières amours mais pas de coups de coeur récents. Qu’est- ce qui t’as touchée ces derniers temps musicalement parlant?
Pour découvrir de nouvelles choses, j’écoute des radios en ligne allemandes comme indie select avec peu de pub en allemand et qui passe du rock indé, de l’électro dont bien souvent je n’ ai jamais entendu parler. C’est un bon moyen, j’ai découvert récemment un groupe qui s’appelle We Are Augustines. Après j’aime beaucoup Yelle, mais je suis moins fan du 3° album. Interpol aussi, je suis une grosse fan et ils viennent de sortir un nouvel album !

Tu as fait des scènes dans toute l’Europe, quelle a été la plus dingue ou la plus surprenante?

La Lettonie, j’avais joué dans un festival Hard Core qui ne correspond pas trop à ma musique, j’étais juste guitare/voix et ils m’ont demandé si je voulais jouer à 4h de l’après-midi ou 4h du matin. J’ai pris 4h de l’aprem car le letton boit beaucoup et je me suis dit qu’il allait être plus attentif en journée! Ils étaient déchaînés et je me suis retrouvée avec un videur à droite un videur à gauche, et il y avait plein de punks lettons qui slamaient et mes sbires les prenaient et les jetaient comme ça (elle mime une grue) et ce, pendant tout le temps que je jouais.  Et c’était assez étrange, très dépaysant mais très sympa c’est la seule fois où j’ai eu de la vraie sécurité.
J’adorerais faire la Route du rock, beau souvenir de mes 18 ans et après Glastonbury, LE festival anglais pas excellence et Coachella car il fait plus beau qu’à St Malô (rires) !

Vous avez fait quelques bandes originales de films, c’est une manière de composer ou une vocation?
C’est pas forcément des Bandes originales mais certaines chansons ont été choisies. Je ne compose pas forcément avec des images en tête mais comme pas mal de personnes j’ai le clip en tête quand j’écoute une chanson. Ça doit être une expérience artistique assez intéressante, car c’est un travail sous contrainte et donc une autre façon de travailler et penser. Avis à la population cinéaste !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Generationnelles 7516 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine