Sur les conseils d’Aaliz et pour relever son Challenge Tous Risques, je suis allée au rayon G, littérature française, de la bibliothèque de mon quartier. L’objectif : dénicher un roman dont l’auteur m’est totalement inconnu et dont le patronyme commence par la lettre G.
Après maintes hésitations, je m’arrête sur le titre, puis la couverture de Et même les chiens de Jean-Louis Gutierres présentant une photo en noir et blanc d’une place de village maghrébin, un enfant au premier plan. La quatrième de couverture m’interpelle ensuite : le livre traite de la guerre d’Algérie, vue par les yeux d’un certain Jeannot… habitant de la Brenne ! Il est fort probable que ce dernier point vous laisse totalement indifférent. La Brenne est une région naturelle du Centre de la France. Surtout, c’est ma région natale ! ;)
Me voilà donc confrontée à un vrai risque littéraire : le contexte historique m’intéresse, le personnage principal m’interpelle, mais… le roman brennoux a rarement eu l’occasion de faire ses preuves, et j’avoue avoir quelques préjugés sur le genre « régional ».
La lecture des premières lignes du texte aura été décisive. Je vous laisse les découvrir :
« Cette histoire elle a foutu le bordel dans le village pendant je sais pas combien de temps. Même que j’ai failli en crever. C’était moins une !
ça me tracassait de pouvoir la raconter. […]
Le seul problème, c’est que j’ai pas eu beaucoup d’occasions d’écrire depuis l’école primaire. Et encore je faisais toujours un paquet de fautes comme c’est pas possible.[…]Dans un tiroir, j’ai trouvé trois cahiers rouges qui traînaient là-dedans. J’ai attrapé un. J’ai dégotté un encrier et une plume sergent major. J’ai tout posé sur la table de la cuisine pour me mettre à commencer.
Je croyais pas que c’était aussi crevant d’écrire ! »
L’ensemble du livre est écrit dans ce français berrichon qui pourrait laisser à désirer au premier abord. Contre tout apparance, le style est très travaillé, les tournures de phrases toujours surprenantes, jamais attendues. Ce n’est pas du français grossier que l’on pourrait adopter pour une mauvaise imitation du « paysan du coin ». Les expressions utilisées sont typiques de la Brenne, je les ai entendues toute mon enfance et les entends encore. Les lire est d’ailleurs une expérience assez destabilisante. Le travail d’écriture est remarquable et le rendu de l’oralité très juste, et sans caricature.
La courte biographie de l’auteur en fin d’ouvrage m’apprend qu’il a passé son enfance au Maroc et en Algérie, et qu’il vit aujourd’hui dans le Centre de la France.
Les épisodes du roman se déroulant en Algérie semblent rapporter avec la même justesse les événements, les lieux et les personnages décrits. Je serais assez curieuse, d’ailleurs, de lire la chronique d’un lecteur connaissant l’Algérie pour avoir son avis sur ce point.
A propos de l’histoire elle-même, je préfère ne pas vous la dévoiler d’avantage. J’ai découvert ce livre à l’aveugle, et je vous souhaite d’en faire autant.
Et même les chiens est le premier roman de l’auteur, publié en 2010 au Temps qu’il fait. Et si, par hasard, M. Gutierres venait à lire ces lignes, j’aimerais lui dire que son deuxième opus est attendu avec envie ;)
Je vous laisse écouter ces quelques minutes d’entretien avec Jean-Louis Gutierres lors du Festival du premier roman de Laval en 2011. Quant à moi, je n’ai plus qu’à ravaler mes préjugés sur la littérature régionale !