Madame la Maire,
C'est par Le Parisien de vendredi 24 octobre dernier, dans un entretien que vous accordez au quotidien sur le patrimoine parisien, que j'apprends ma radiation de la Commission du Vieux Paris (CVP) au motif particulier que j'aurais « utilisé des documents municipaux à des fins personnelles, pour un colloque », contrairement « aux règles ». J'en reste abasourdi.
Nommé en 2008, je me suis très vite pris d'intérêt pour une instance que je découvrais et pris une part très active à ses travaux, que ce soit en séance plénière ou en Délégation permanente. Pendant ces six ans, ce sont des centaines d'heures de débats, de recherches, d'expertises sur site, de rendez-vous avec les maîtres d'œuvre et les maîtres d'ouvrage, d'analyse approfondie de projets de transformation ou de reconversion d'édifices de tout poil que j'ai consacrées au suivi de l'évolution nécessaire du « Vieux » et du « Nouveau » Paris.
De cet engagement - bénévole, est-il besoin de le rappeler ? - au bénéfice de la Ville, les anciennes présidentes, Mesdames Colombe Brossel et Danièle Pourtaud, pourraient certainement témoigner.
Par ailleurs, en tant que membre de l'association « Paris historique », j'ai été amené à m'occuper plus particulièrement de certains dossiers sensibles, tels que la halle Freyssinet ou l'hôtel Lambert. À cet égard, je rappellerai que ce n'est nullement à mon initiative - ni bien sûr à des fins personnelles - mais à la demande expresse du cabinet du Maire, votre prédécesseur, et de celui du Ministre de la Culture, que j'ai été amené à élaborer dans le détail les termes du protocole d'accord intervenu entre les parties, signé en présence de Frédéric Mitterrand et de la Présidente de la CVP, Danièle Pourtaud.
Cette mission a abouti - à la satisfaction générale, m'a-t-il semblé -, et ce document préside aujourd'hui à la restauration hélas accidentellement contrariée du monument.
Ce n'est pas non plus à des fins personnelles - encore une fois -, que j'ai bataillé pour l'optimisation du projet de reconversion de la halle Freyssinet, originellement promise à une démolition partielle. Or plus personne ne doute aujourd'hui du bénéfice architectural et urbain qu'en tirera la Ville de Paris, si l'on en croit les déclarations récentes du Maire du 13e arrondissement.
Permettez-moi d'ajouter que je suis impliqué aujourd'hui (comme pour toutes ces batailles avec beaucoup d'autres), dans le sauvetage de ce chef d'œuvre sous-estimé de l'architecture parisienne qu'est la Poste du Louvre. Outre qu'il sacrifie de manière irréversible une architecture digne des Halles de Baltard, le projet de reconversion dans sa forme actuelle n'est pas à la hauteur du formidable potentiel que présente le bâtiment pour la redynamisation de tout le secteur.
Ces actions - parmi d'autres - ont nécessité tout un travail de recherche et de pédagogie sur les édifices et les projets, et c'est dans le contexte de journées d'étude et de débats à caractère exclusivement scientifique (tenus à l'INHA avec l'Université Paris 1) que certains éléments iconographiques des « documents de séance » de la Commission du Vieux Paris ont pu être produits, non sans indication explicite de leur origine et de leur paternité, comme il est d'usage dans le monde de la recherche. Ces documents sont par ailleurs consultables en ligne sur le site de la CVP, sous forme de comptes-rendus de séance. Au surplus, je constate que les textes qui nous ont été remis et régissent le fonctionnement de la CVP ne comprennent pas « ces règles » que vous invoquez et que je me serais rendu coupable d'avoir transgressées.
Dans l'intérêt et pour l'information des lecteurs du Parisien, des membres de la CVP renouvelés ou non, de mes collègues universitaires, ainsi que des membres de la communauté - plus internationale - des architectes du patrimoine et des spécialistes qui veulent bien s'investir à échéances régulières dans les journées d'études que j'organise en collaboration avec Paris 1 et « Paris historique » à l'INHA sur les sujets patrimoniaux, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m'expliquer les termes de votre décision qui, telle que relayée par la presse, porte atteinte à mon honneur et préjudice à ma carrière.
Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez me rencontrer.
Veuillez agréer, Madame la Maire, l'expression de mes respectueux hommages."
Jean-François Cabestan, architecte du patrimoine, historien de l'architecture, maître de conférences à l'Université Paris 1