Tous les fous de littérature le savent : lire a une odeur. Lire sent le papier, la colle, la fibre de cellulose et l’ammoniaque. Lire sent le cuir de reliure, la poussière du temps accumulée entre les pages. Lire sent le bois des bibliothèques, l’encaustique des rayonnages, l’air vicié sous les draps quand il faudrait dormir à l’âge adolescent et que les mots s’accrochent à la lumière de la lampe de poche. Lire sent le vent des grands espaces et la poudre à canon, lire sent le sel de la larme tombée sur la dernière page d’une histoire d’amour.
Lire aurait pu avoir une odeur mais aussi un parfum, voire plusieurs. Mais hélas, cette magnifique étude de style réalisée en 2010 par le studio de design polonais Ah&Oh Studio et baptisée « Scent Stories » n’est qu’un rêve de designer, un livre sans lecteur que nous nous contenterons d’admirer sans jamais toucher ni humer.
« Nous avons cherché à décrire la face noire de la nature des hommes. Nous avons trouvé notre inspiration dans la grande et sombre littérature et ses personnages forts et singuliers », expliquent les designers. Le résultat de cette réflexion est cette série de flacons-créature en forme d’encriers inspirés par les œuvres de George Orwell, d’Edgar Allan Poe, de Choderlos de Laclos et de Donatien Alphonse François de Sade.
Qu’on soit amateur de parfums rares, de littérature ou tout simplement d’objets singuliers, on ne peut qu’être frappé par l’étrange beauté de ces flacons recelant dans leurs entrailles des fragrances qu’on imagine sulfureusement méphitiques et scandaleusement machiavéliques…
Hervé Mathieu – Fragrance Forward
(crédits photos : Ah&Oh Studio)