Note:
Origine : France
Réalisateur : Cédric Jimenez
Distribution : Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Mélanie Doutey, Benoît Magimel, Guillaume Gouix, Cyril Lecomte, Bruno Todeschini, Moussa Maaskri…
Genre : Drame/Policier/Histoire vraie
Date de sortie : 3 décembre 2015
Le Pitch :
1975 : le magistrat Pierre Michel, installé avec sa femme et ses enfants à Metz, se voit promu juge du grand banditisme à Marseille. Sa mission : lutter contre les agissements de la French Connection, cette organisation criminelle qui abreuve les États-Unis d’héroïne. N’ayant que faire des mises en garde et de la frilosité des forces de l’ordre, le juge se met rapidement en tête de faire tomber Gaétan Zampa, la figure emblématique du milieu, réputé intouchable…
La Critique :
Organisation criminelle d’envergure qui fit plusieurs fois la une des journaux de l’époque, la French Connection a très vite inspiré le septième-art. William Friedkin en particulier, lui qui mit tout le monde d’accord avec un chef-d’œuvre faisant encore et toujours office de référence ultime. Alors aujourd’hui, forcement, quand un film appelé La French déboule dans les salles, difficile de ne pas penser à Friedkin. D’emblée la seconde livraison de Cédric Jimenez se heurte à un classique. À sa décharge, il ne s’en cache pas vraiment et de toute façon, évolue dans un genre parent, mais néanmoins assez alternatif, pour que la comparaison ne pèse pas trop lourd.
Projet porté depuis des lustres par un cinéaste débutant mais doué (il signe ici son deuxième long-métrage après Aux yeux de tous), La French fait office de gros morceaux. Pour ses intentions et tout ce que cela sous-entend (avec entre autre l’important travail de reconstitution), mais aussi pour son casting, emmené par deux des plus grosses stars de l’Hexagone, dont un qui a carrément conquis le Nouveau Monde et ravi un Oscar aux étoiles d’Hollywood il n’y a pas si longtemps. Grosse responsabilité pour Jimenez donc, qui de son côté, a manifestement voulu rendre hommage à sa ville, mais surtout à ses modèles, Sergio Leone et Martin Scorsese en tête.
Et ça tombe bien car le sujet de La French se prête à merveille à un exercice de style en forme d’hommage. Très vite, le film lorgne du côté des Affranchis et de Casino. La patine vintage, superbe, de l’image, le montage, les mafieux, tout indique que Jimenez voue un culte à Scorsese, auquel il emprunte quelques-uns de ses gimmicks les plus fameux. Idem pour Sergio Leone et son Il était une fois en Amérique.
Là est la vocation de La French. Marcher sur les plates bandes de l’âge d’or du Nouvel Hollywood, tout en s’appropriant des codes, pour, au final, proposer quelque chose de relativement inédit chez nous. Malheureusement, si la démarche est louable, à l’arrivée, le résultat est loin de convaincre à 100%. Car si les influences du cinéaste sont limpides, elles sont loin d’être complètement digérées. Jiminez n’est pas Paul Thomas Anderson ou James Gray, qui ont complètement compris et réinterprété le puissant héritage de Scorsese et des autres gloires, et son long-métrage, bien que très ambitieux, évoque surtout le boulot d’un élève studieux qui aurait, à certains moments photographié la copie de son voisin, sans vraiment la comprendre. Écrasé par ses modèles, Jimenez ne parvient jamais à vraiment s’extraire de l’ombre des grands et La French de ressembler à un joli exercice de style, tragiquement trop anecdotique par moments pour convaincre sur la longueur. Dujardin et Lellouche sont deux ersatz de Robert De Niro et Al Pacino, et d’ailleurs, La French n’est pas sans rappeler le Heat de Michael Mann, tout en cherchant également à se rapprocher d’un autre âge d’or, à savoir celui du grand cinéma français.
Pour résumer, on peut souligner le manque de maturité de Cédric Jimenez, qui n’a pas su garder le cap face à l’ampleur de la tâche. Il tombe à peu près dans tous les pièges les plus évidents. En reproduisant, assez maladroitement les trucs des autres donc, mais pas seulement…
En effet, La French souffre aussi d’un manque de rythme assez dommageable. Le métrage ne fait pas preuve d’une fluidité suffisante, malgré le montage serré et la réalisation voulue dynamique. La faute à un scénario cousu de fil blanc lui aussi traversé de clichés, comme en témoigne la scène clé du dénouement, déjà vue mille fois ailleurs (et souvent en mieux), surtout si on considère qu’il s’agit ici de l’illustration d’une histoire vraie, dont la conclusion est plus ou moins connue de tous.
Reste une bonne volonté indéniable de la part de Jimenez. On sent le réalisateur profondément investi. Il met du cœur à l’ouvrage et c’est ce cœur qui contribue à sauver les meubles. Techniquement, même si la reconstitution apparaît parfois comme étant un peu maniérée, La French fait office de belle production fastueuse, mais là encore, les références, trop présentes, ont tendance à étouffer la singularité du projet dans l’œuf. Un peu à la manière du Blood Ties de Guillaume Canet mais en pire…
Les acteurs, de leur côté, font le maximum pour porter avec classe le film. Jean Dujardin et Gilles Lellouche tout particulièrement, avec mention pour le premier. Solides, investis, ils impressionnent par un jeu mature, complètement en place, subtil et pertinent. D’autres seconds rôles, comme Cyril Lecomte, font également excellente figure. Mélanie Doutey par contre, semble passer son temps à essayer de livrer la meilleure imitation possible de la Eva Mendes de La Nuit nous appartient, tandis que Céline Sallette livre une performance tantôt trop effacée, tantôt trop théâtrale pour convaincre.
Cédric Jimenez est un cinéaste appliqué. Trop c’est indéniable. Sa French Connection peine à exister par elle-même. Gros fourre-tout bancal, le long-métrage ne manque certes pas de qualités, mais compte tenu du sujet et des forces en présence, il était normal d’attendre quelque chose de plus grand. Reste un polar dramatique correct, en lieu et place du chef-d’œuvre espéré.
@ Gilles Rolland