« Le rire est probablement destiné à disparaître. On ne voit pas bien pourquoi, entre tant d’espèces animales éteintes, le tic de l’une d’elles persisterait. Cette grossière preuve physique du sens qu’on a d’une certaine inharmonie dans le monde devra s’effacer devant le scepticisme complet, la science absolue, la pitié générale et le respect de toutes choses.
Rire, c’est se laisser surprendre par une négligence des lois : on croyait donc à l’ordre universel et à une magnifique hiérarchie de causes finales ? Et quand on aura attaché toutes les anomalies à un mécanisme cosmique, les hommes ne riront plus. On ne peut rire que des individus. Les idées générales n’affectent pas la glotte. »
Voilà ce qu’écrivit Marcel Schwob, en 1893 dans la préface de la pièce de Georges Courteline « Messieurs les Ronds-de-cuir ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il avait de l’avance puisque aujourd’hui nombreux sont ceux qui prévoient la mort du rire. Comme, par exemple, Guy Chouraqui pour lequel l’humour est mort, « mort de rire, mort des rires faciles ou factices, mort des rires consensuels ou préenregistrés, des rires vulgaires ou racistes. »
Voilà qui laisse songeur. Et vous qu’en pensez-vous ? Espérons seulement que, quand le rire sera mort, nous ne serons pas des morts-vivants déambulant sur une Terre sans humour, sans poésie et sans surprises mais de vrais cadavres, morts et enterrés.