Max | Le Cantique du Kama

Publié le 07 novembre 2014 par Aragon

Voilà quelque chose qui ramènerait dans le giron de notre Sainte mère l'église catholique, apostolique et romaine des fidèles passablement à la ramasse, des dévots à foi frileuse à notre époque mécréante, cette belle et indispensable chose  : le cul.

Le cul : le beau, le vrai, le fort, le doux, le réconfortant, le stimulant,  l'épanoui, le bandant, le jouissant, l'orgasmant. Le cul, art du vivant tel qu'il est gravé dans les temples indous, estampés sur des parchemins, des manuscrits étincelants. Ils ont tout compris en Inde depuis la nuit des temps, ils sculptent la vie, ils dessinent, ils peignent, ils montrent ce qu'est la vie.

Nous, enfin quand je dis nous, ce sont les décorateurs des édifices religieux, sur commande bien entendu de l'autorité ecclésiastique, faisons dans le craignos, dans le pathos, le glauque, le malsain, on fout les jetons, on fout la pétoche aux chiares et aux âmes sensibles et surtout, on emmerde les fidèles avec la peur moralisatrice. Si tu ne te conduis pas bien, sur Terre, dans cette "vallée de larmes" qui te purifiera, la grosse bébête qu'est là dans la voussure, dans le pignon, haut du pilier, sur le transept, te bouffera les tripes, le râble, le bec et tout et tout, surtout ton âme. Tremble, si t'es pas un bon fidèle t'es cuit !

En Inde on te montre que pour être bien sur Terre, il faut savoir aussi cultiver le plaisir, on te dit que la vie n'est pas facile, souvent dur de gagner son bol de riz, mais on te dit surtout que même "intouchable" tu peux être joyeux, "fécond", vivant, rayonnant, par la vertu de la pratique régulière de l'escarpolette du Rajasthan, du tire-bouchon de Mysore, de la pompe à vélo de Pondichéry, de la branlette de Chandernagor, du scarabée téméraire qui monte qui monte, de la charge héroïque du maharajah de Touche-moi-là contre la smala du rajah de Gratémoilà...

Chez nous y'a qu'un truc qui aurait pu faire la nique à nos amis indiens si on avait eu le bonheur de le projeter et visualiser sur pierre : le Cantique des Cantiques. Las, ce livre saint et très officiel est planqué au Purgatoire, n'en sortira pas, ils ne savent pas de quoi ils se passent ces pisse-froid du Sacré Collège. Voilà qui aurait pu réveiller/raviver bien des fois, stimuler bien des triques qui s'ignorent, affoler nombre de minettes en jachère... "Tes caresses sont meilleures que du vin" (1.2, 4.10), "Tes deux seins sont comme deux faons" (4.5), "Les contours de tes cuisses sont comme des joyaux, œuvre de mains d'artiste" (7.2), "Mangez, amis, buvez, enivrez-vous, amants" (5.1) Ce livre est un chef-d'oeuvre méconnu !

Le Kama-Sutra des temples et des estampes, c'est à la Pinacothèque de Paris que ça se tient, et c'est du grand art, du vrai plaisir, c'est instructif, l'entrée devrait être remboursée par la Sécurité Sociale. J'y retourne bientôt pour le Japon et ses geishas...