Charles Eloy
( Edition 20) jour trois - Santiago de Compostela - le 25 octobre 2014
Sertanilia (Brésil) – Théâtre principal
La dernière soirée nous présente des artistes connus et émergents. Je m’attarde sur les derniers.
Sertanilia
Le groupe SERTANILIA , originaire du Salvador da Bahia, le nord-est du Brésil interprète quelques chants traditionnels et leurs propres compositions d’une manière inédite.
Sertinilia est un trio composé d’ Aiace, la chanteuse, Anderson Cunha et le percussionniste Diego Florez, mais sept musiciens se retrouvent sur scène.
Leurs arrangements sophistiqués reprenant toute la richesse de la musique populaire brésilienne sont d’une modernité comparable aux chansons françaises actuelles.
Nous retrouvons un lyrisme, une poésie qu’ Aiace, la chanteuse interprète avec une voix douce et puissante à la fois. Du miel aux oreilles.
La plupart des secondes voix sont assurées par le guitariste.
Les chansons suivantes illustrent l’univers musical de Sertanilia
Aiace débute avec la chanson « Nobre Folia » a cappella et percussions, puis suivent les autres instruments (arpège et solo de guitare, violoncelle). Un silence s’installe dans le théâtre pour écouter.
La chanson est remplie de changement de tempos et rythmes.
Suit la chanson « Incendeia » : un rythme plus accéléré, mais Aiace n’a pas besoin d’une seconde allumette, elle a déjà conquis le public.
Nous ressentons un léger trac passager chez Aiace. Elle a bien décidé de donner de son mieux ce soir.
La chanson « Perfume de uma Flor » nous fait ressentir une sensation que nos sens ne captent pas à l’écoute d’un album.
La violoncelliste joue dans des tons graves et nous sentons les vibrations reflétées sur les murs et plafonds procurant un bien-être agréable de se sentir investi par Sertinilia
Quatre musiciens à la percussion accompagnent « Sambada de Reis » et des fragments de compositions laissent la part belle aux musiciens.
Nous partageons des moments euphoriques et d’autres plus mélancoliques qui expriment les peines et les joies de la population de Salvador da Bahia, exposée à de rudes conditions de vie
Setlist : Nobre folia, Incendeia, Pombinha, Sambada, Aguaceiro, Candeeiro, Perfume de flor, Corre canto, Pras bandas dela, Ciranda
Tribu Baharu (Colombie) – Twin stage B
Leur musique basée sur l’afro-champeta , originaire de la côte nord (Océan Atlantique) de la Colombie. Ils sont majoritairement influencés par la culture des Caraïbes (Cuba, Jamaïque, Haïti)
La champeta est un nom dérivé d’un couteau de pêcheur. A l’origine, la champeta est une musique du marin avec des influences de la musique populaire colombienne. Des éléments de soukous (Congo), Zouk, calipso, reggae, rap et plus de pico (sound systems) récemment sont venus s’ajouter.
Les membres de TRIBU BAHARU qui vivent à Bogota, la capitale colombienne, veulent par la musique partager leur appartenance à la culture des Caraïbes.
Durant le concert, le guitariste jouant souvent dans un style « soukous » suit les changements de rythmes fréquents et des improvisations sur les thèmes.
Un jeu est plus fluide que les guitaristes congolais dont le jeu est plus saccadé.
Chaud, chaud, le concert. L’un des deux chanteurs est en torse nu, musclé comme un corsaire.
L’ambiance est assurée ; comme si nous étions dans le quartier Matongé à Ixelles.
Après le concert je rencontre les musiciens
Sympathiques, les musiciens de Tribu Baharu. Quelques mots de lingala ‘Mboté (bonjour), « Sango nini » (Comment vas-tu). Ils m’ont répondu « nous ne somme pas Congolais, mais Colombiens »
Une bonne empoignée de mains et un large sourire.
Ester Rada (Israël) - Twin stage A
ESTER RADA est née en Israël un an après le départ de ses parents d’Ethiopie.
L’univers musical a comme source principale le R'n' B, la neo-soul, ethio-jazz, afro-beat et ses racines éthiopiennes.
Comme beaucoup d’Africains qui, par les circonstances historiques, se sont retrouvés sur d’autres continents, sa culture africaine a pris des nouvelles racines. Le brassage avec d’autres cultures génère une force créatrice que nous retrouvons dans les deux groupes précédents Sertanilia et Tribu Bahanu.
Elle reprend le titre « Four women » de Nina Simone. Cette chanson a valu à Nina Simone des critiques et elle a été interdite durant plus de vingt sur plusieurs radios. Tout artiste a des détracteurs. Enfin, de la jalousie mal placée, en référence à une émission de télévision congolaise.
Cette chanson reprend une dure réalité de la condition de quatre générations de femmes d’origine africaine aux États-Unis. Ester nous dévoile une voix claire qui ensuite exprime les paroles d’une manière plus rude, mais sans agressivité et chaque mot articulé tient sa valeur.
Le négro-spiritual « Sinnerman », également repris par Nina Simone, est de la même dynamique.
L’intro du saxophone ténor annonce la tube « Life happens » dont les paroles contiennent une forme de recherche de spiritualité. Le public chante le refrain en chœur.
Habillée dans une large robe rayée, elle traverse régulièrement avec grâce la scène et s’adresse brièvement au public.
Le public accroche durant tout le concert. Ester Rada et ses musiciens (claviers, guitares, batterie, trompette, trombone, saxophone tenor) maintiennent une dynamique qui prend de l’ampleur à
chaque chanson. Elle termine le concert par la chanson
Setlist: Intro, Out, Sinnerman, Herd, Sorries, Dera, Life happens, For women, Feelong good, Bad guy, Cry for me, Nanu ney
Ester Rada: un concert haut en intensité avec toute la richesse de l’interculturalité.
Womex 2014 nous a permis de découvrir des artistes prometteurs dans un vivier de talents. L’étiquette « musique du monde » qui a été valable depuis plus de deux décennies n’est
plus d’actualité et risque d’enfermer les artistes dans une définition. D’autre part, trouver un terme approprié dans un secteur en évolution avec les nouvelles technologies n’est pas une tâche
facile.
Le côté traditionnel, avec une (re)découverte et sauvetage de l’héritage culturel, est entretemps connu par une plus large audience et doit continuer. La musique de différentes cultures est la
musique d’aujourd ‘hui.
Les concerts de formations avec des influences plus récentes (rap, techno,…….) tout en maintenant les racines et les DJ sets obtenaient un vif succès. Cela permet à ces artistes de se produire
sur des festivals, également mainstream et autres événements hors du circuit world et faire connaître différentes formes de culture et musique à un large public.
Je prends l’exemple de Sziget Festival qui a ouvert une scène World Village permettant à de nombreux groupes d’obtenir une bonne visibilité.
La musique c’est écouter, mais également partager et unifier en maintenant ses particularités dans le respect d’autrui.
Les puristes ne seront pas toujours d’accord, mais les racines prennent une nouvelle vie.
En 2015 Womex ne déroulera à Budapest en Hongrie. Votre reporter de ConcertMonkey/Le blog des Critiques de Concerts y était présent dans le cadre de Sziget Festival (voir nos articles) afin de
vous faire revivre les concerts