Lionel-Édouard Martin est un poète et un romancier français né à Montmorillon (Poitou-Charente) en 1956. Après des études de lettres conclues par une agrégation de lettres modernes, sa carrière le mène à la diplomatie culturelle et à l’enseignement supérieur. Spécialiste de didactique du français langue étrangère, il a effectué de nombreux et longs séjours hors de France (Maroc, Allemagne, Caraïbes…), qui ont nourri son écriture. Auteur depuis 2004 de plus d’une vingtaine de textes, Mousseline et ses doubles, son neuvième roman, vient de paraître.
Michel, écrivain, rédige un roman basé sur l’histoire de sa famille dont l’héroïne est sa tante Mousseline, qui l’a élevé. Emouvante histoire familiale débutée en province, en plein terroir rural dans les années trente, laissant un père seul avec ses deux jumeaux Pierre et Mousseline après le décès de sa femme. Pierre deviendra soldat, marié et basé à Paris tandis que sa sœur restée avec le père, le seconde dans son entreprise. Quand naît Michel, au mitan des années cinquante, Mousseline « monte » à la capitale pour voir son neveu. La jeune femme va connaître les joies et les peines et sa vie va se trouver chamboulée quand elle découvrira le grand amour avec Joseph, puis les deuils la laissant seule - « et ma solitude, je voulais en faire quelque chose » - avec Michel dont elle se chargera de l’éducation.
Le roman n’est pas très long, sorte de mini-saga traversant des pans de l’histoire de notre pays brièvement évoquée mais créant des repères historiques comme la Seconde guerre mondiale ou la guerre d’Algérie. Evocation – en touches légères - de la ruralité de l’ancien siècle et du Paris des années cinquante et soixante où j’aurais pu croiser Mousseline…
Le bouquin est bien écrit, même si parfois – selon les situations - il l’est peut-être un peu trop quand l’auteur adopte une langue datée pour coller au plus près de ses personnages. Le style se fait alors ostensiblement appuyé, comme si l’on lisait un roman du début du vingtième siècle, ce qui n’est pas désagréable pour un lecteur de mon âge, mais… Ce qui saute aux yeux en tout cas, c’est que Lionel-Edouard Martin aime les mots et l’écriture, ici pas de gros mots, mais des jeux de mots à écho psychanalytique (mer/mère) et des mots rares de-ci, de-delà. Le ton alterne aussi, selon que nous sommes dans les années trente, à la campagne avec le père des jumeaux, ou bien avec Michel échangeant avec sa tante sur ce qu’il écrit, ce qui nous vaut une mise en abyme toujours plaisante, entre Michel l’écrivain de fiction et Martin l’écrivain tout court.
Et puis il y a cette Mousseline, au destin pas ordinaire et que la vie n’a pas épargnée mais qui toujours saura faire face, petite jeune femme semblant timorée et effacée dans sa province mais qui, une fois installée à Paris, sans cesse réussira à conduire sa barque, contre vents et marées. Tous les acteurs de cette tranche de vie sont des gens ordinaires et gentils (trop ?), ce qui déteint sur l’ensemble du roman et place le lecteur dans une sorte de confort douillet – une parenthèse heureuse dans la littérature moderne.
« C’est une chose étrange que de parler de soi à la troisième personne – de se muer en personnage : mitose, on se détache de soi-même, on s’incarne en un double, on le regarde, nourri de nos mots, mener une existence autonome. Je suis dans mon état civil ce Michel, fils de Pierre et d’Anne, et dès que j’entre dans cette histoire, je me divise en quelqu’un d’autre. De ma tante, de mon père et de ma mère, de mon grand-père, le vieux Paul, il en va de même : tous je les extrais de leur être véritable pour en faire ces hommes et ces femmes vaguant sur mes pages. »