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"Cette petite fille qui vit dans un monde à elle."Avec ce premier long-métrage, July Jung s'annonce comme la nouvelle porte-parole du cinéma d'auteur coréen. Film au budget restreint, A girl at my door a été tourné dans des conditions difficiles mais nulle trace à l'écran : le film déploie un récit virtuose et aborde des tabous de la société avec une audace rarement égalée. Bulles de Culture est allé à sa rencontre.
July Jung
"This little girl who lives in a world of her own."
July Jung
July Jung rises as a new Korean author of her generation with this first feature-length. Low-budget, A girl at my door was uneasy to shoot and yet the story unfolds with virtuosity, while addressing social taboos in an unprecedented way. Bulles de Culture went to meet her. More in English >> (Translation in progress, come bubble later)
Propos de la réalisatrice July Jung recueillis par Bulles de Culture lors d'une table ronde, suite à la projection du film :
Bulles de Culture (BdC) : Votre film est un portrait de femme intense. Il tient un discours très fort sur la place de la femme dans la Corée du Sud d'aujourd'hui. Dans une société aux traditions confucianistes, comment une femme peut-elle occuper des fonctions à responsabilité et obtenir une reconnaissance professionnelle / sociale ? Pourriez-vous dans ce sens nous parler de votre expérience en tant que femme réalisatrice ?
July Jung (JJ) : Dans cette société patriarcale, je voulais représenter la solitude de ces deux femmes. Young-Nam, incarnée par l'actrice Doona Bae, est commissaire de police et représente donc l'autorité publique. Elle occupe une position haut placée dans la société. Le personnage évolue avec difficulté dans un univers masculin et hiérarchisé, et ce d'autant plus, compte tenu de son identité sexuelle. Quand on est une femme, il faut encore plus intérioriser les choses ; c'est difficile de ne pas pouvoir s'exprimer en tant que personne. Ce n'était pas facile de faire ce film-là.
BdC : Vous mettez en avant le contraste entre la ville de Séoul et la campagne coréenne, notamment grâce à l'arrivée de cet outsider appliquant des méthodes modernes, ce qui m'a rappelé un autre film coréen. Memories of Murder (Joon-ho Bong, 2003) joue de la même opposition : il a lieu dans les années 80, donc une trentaine d'années avant l'histoire de votre film. C'est comme si, en quelque sorte, rien n'avait changé.
July Jung sourit à la référence : Oui il y a des similarités entre mon film et Memories of Murder. Ce sont les mêmes images des villages, de la campagne. Le thème est similaire : un(e) inconnu(e) arrive de la ville. Les deux films partagent un même milieu, dans un cadre très précis, et parlent d'une confrontation entre les gens. À l'exception que dans Memories of Murder, on ne saura jamais qui est le coupable. Dans les deux films, ces mondes nous paraissent absurdes à nos yeux. Cependant, je ne cherchais pas à exprimer un dualisme. Et cela peut se passer dans n'importe quel village.
BdC : Une réelle complicité s'instaure entre les deux personnages. Comment s'est faite la collaboration entre les deux actrices pour parvenir à ce degré d'entente et d'intimité ?
JJ : J'ai voulu montrer l'évolution des sentiments, et les émotions qui changent peu à peu. Pour que cela fonctionne entre les actrices, il fallait une alchimie subtile et nécessaire. Les choses n'étaient pas commandées et les actrices se sont très bien entendues. Quelque chose s'est passé sur le tournage, dans le regard. Les deux personnages se cherchaient : qui est l'autre ? Au fil du temps, les actrices ont réussi à faire passer cela.
BdC : Vous avez eu droit à une standing ovation à Cannes lors de la projection de votre film. Qu'avez-vous ressenti en présentant votre premier long-métrage à un public international ? Cela vous a-t-il touchée ? Inspirée ?
JJ : Mon expérience à Cannes a été très spéciale. C'était la première fois que je partais à l'étranger, que je prenais l'avion. Lors de la projection, je n'avais jamais eu autant d'étrangers autour de moi ! J'avais été très occupée à finir le montage du film. Je ne pensais qu'à une chose : j'espérais que la projection se termine sans problème. Quand le film a pris fin, je me suis demandée : où suis-je ? On m'a dit de regarder le public qui se trouvait tout en haut, dans la salle, et les larmes sont montées ! Sae-ron Kim, l'actrice qui joue la petite fille, pleurait aussi. C'était un moment de grande émotion. J'étais très attachée au scénario car je l'avais écrit moi-même. Je n'aurais jamais pensé pouvoir partager cette histoire avec des gens à l'autre bout du monde. L'expérience cannoise m'a démontré ceci : si je donne le maximum, si je fournis tous les efforts possibles, quelqu'un partagera mon histoire et y adhérera. Cannes a été un grand encouragement, un soutien très grand.
BdC : Gamsamida !
Entretien réalisé par GwenfromNY le 3 novembre 2014 à Paris.
En savoir plus :
- http://www.epicentrefilms.com/A-girl-at-my-door-July (site officiel du distributeur)