Un film de Nanni Moretti (2011 - France, Italie) avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr, Renato Scarpa
Surréaliste !
L'histoire : Rome. Le pape vient de mourir et le conclave (assemblée de tous les cardinaux du monde) se réunit pour élire un nouveau pape. Après quelques tours de votes, une majorité se dessine enfin : Monseigneur Melville est élu ! D'abord ému par ce signe de confiance, notre homme fait soudain un malaise et refuse de se présenter au bon peuple qui attend sur la place Saint-Pierre. Panique au Vatican. On convoque le médecin. Rien. On fait venir un psychanalyste. Rien, d'autant qu'il n'a pas le droit de poser "certaines" questions... Il suggère alors qu'on envoie le patient chez un psy en ville, habillé en civil et incognito... Mais Melville échappe à la garde rapprochée et part humer l'air du temps dans la capitale...
Mon avis : Quel farceur, ce Nanni ! Quelle idée originale ! C'est inattendu, c'est drôle, c'est impertinent, c'est magnifiquement interprété ! Evidemment, un film qui se passe au Vatican, j'imagine que beaucoup seront rebutés d'avance... Mieux vaut avoir une base de "culture catholique" pour apprécier toute la substantifique moelle de l'ouvrage ! Il faut aussi connaître un peu l'Italie qui - même si elle s'en défend, même si tout le monde n'est pas pratiquant, voire croyant - reste très attachée à cette tradition et très respectueuse vis à vis du saint homme. Et le Nanni arrive à se moquer tout en regardant ces cardinaux d'un autre monde avec une tendresse inouïe ! Moi, je me suis régalée ! Dès le début, voir Piccoli en robe papale s'enfuir en courant "Je ne peux pas ! Je ne peux pas !", ça vaut son pesant de cantuccini* !
Il y a tant d'événements, impossible de parler du film sans spoiler. Sachez que c'est plein de surprises et de rebondissements, qu'on ne s'ennuie pas, et ce jusqu'à la scène finale. Le film a été présenté en avant-première au Vatican, où il n'a reçu aucune critique... alors même que ces messieurs étaient plutôt nerveux avant de le voir ! Certains membres ont quand même été un peu troublés de voir les cardinaux jouer au volley-ball ou aux cartes dans la sainte enclave !
Tout ça est fort joyeux, jamais méchant. Nanni nous montre des hommes finalement assez semblables au commun des mortels, et c'est bien pour ça que notre Sainteté a cette grosse crise de doute. Plusieurs niveaux de lecture sont possibles : la comédie pure, mais aussi des pistes de réflexion sur le pouvoir et la responsabilité, sur le destin et ses caprices aussi (notre pape aurait bien voulu être acteur...), ou encore sur l'enfermement.
Un grand vent de fraîcheur.
Le film a reçu sept prix (en Italie ; mais beaucoup de nominations dans les autres pays) et les critiques sont majoritairement très élogieuses (même La Croix applaudit !). Je vous donne le commentaire du Parisien qui résume parfaitement ce que j'ai ressenti : "Non seulement "Habemus Papam" n'est jamais où on l'attend, mais il tient le parfait équilibre entre la comédie — les cardinaux, montrés comme de grands enfants attendrissants, participent à un tournoi de volley en attendant le retour de leur chef évadé ! — et la mélancolie incarnée par Piccoli, bouleversant de vulnérabilité."
La réalité dépasse la fiction : alors que Moretti proposait un scénario tout à fait inédit sur la papauté, en 2013 Benoît XVI annonçait sa démission, une situation rarissime au Vatican !
* Petits biscuits croquants aux amandes, souvent servis avec le café.