Très mauvais titre ! Le sujet du livre est le renouveau
du libéralisme. On est en 1935. Le libéralisme est en faillite. Et il l’est
parce qu’il est inadapté à la réalité. Et ce en grande partie parce qu’il a été instrumentalisé par les
possédants pour justifier le statu quo.
Étonnamment moderne…
L’anarchie plus les
gendarmes
Le libéralisme n’est rien d’autre que le souci d’assurer la
liberté de l’homme. Sa première version, au temps des Lumières et de Locke, est
fondée sur l’idée qu’il existe une « loi naturelle » que l’on peut
trouver par la raison. C’est elle qui garantit la liberté de l’homme. Cette
loi, les physiocrates français pensent que c’est l’économie. Ils prônent donc
le laisser-faire. Et de se débarrasser de l’Etat, oppresseur.
Si cette doctrine ébranle le monde d’alors, basé sur la
coutume, son présupposé individualiste la rend inapte à
la constitution d’une société. C’est « l’anarchie,
plus les gendarmes » dit Carlyle. Il faut un second libéralisme. Le
laisser-faire doit céder la place au pragmatisme : les lois naturelles n’existent
pas, ce qui compte ce sont les conséquences des mesures que l’on prend. De même,
la raison ne permet pas de trouver La Vérité, mais est un moyen d’améliorer la
situation humaine. On découvre aussi que l’homme ne peut réaliser son
individualité que grâce à un projet collectif. Et que l’Etat est un organe
social, parmi d’autres, nécessaire à cette réalisation.
Mais voilà, les nouveaux privilégiés ont compris que le
premier libéralisme et son laisser-faire sont un moyen fantastique de défendre
leurs intérêts. Ce qui suscite deux réactions. Le Marxisme, révolte des
opprimés. Le nationalisme, réponse à l’anarchie libérale.
Le libéralisme comme
intermédiation
Comment se tirer de cette impasse ? Utiliser « l’intelligence ».
Pour cela, commençons par définir « libéralisme ».
Le libéralisme est un objectif et une méthode.
L’objectif du libéralisme c’est libérer l’homme des forces
qui l’oppriment et lui permettre de réaliser son potentiel. La méthode, c’est
le changement. L’homme est conditionné par le passé. Or les circonstances
évoluent. La mission du libéralisme est de mener à bien la transformation de la
société. Et cela par la méthode scientifique, i.e. à l’image de la
façon dont procède la science. En particulier par l’enquête et l’expérience.
Tout ceci est lié, car la méthode scientifique, c’est l’intelligence,
et elle libère l’intelligence humaine qui lui est nécessaire.
Application
Qu’est-ce que ceci donne, en 1935 ? Le facteur d’asservissement
de l’homme est devenu l’économie. Il faut donc une « socialisation »
de celle-ci pour que l’individu, délivré de la précarité, puisse réaliser son
potentiel.
Malheureusement, pour y parvenir, il faut surmonter des
obstacles redoutables. Le premier est que le passé a formé nos habitudes d’action,
notre pensée. Et qu’elles ne sont pas adaptées au monde tel qu’il s’est
transformé. Le second est, qu’en outre, nous avons fait l’objet d’un lavage de
cerveau par les privilégiés. Parce que nous pensons faux, nos actions empirent
nos maux !
Ainsi, le monde d’hier était celui de la rareté et de l’insécurité. Le producteur y était isolé. Le moyen de contrôle de la société était la
violence. Ainsi conditionné, l’individu se comporte en rapace, créant une
pauvreté artificielle. Et il ne conçoit pas d’autre forme d’action que la
violence. Toute notre société n’est que coercition. A commencer par le principe
de concurrence, lutte de l’homme contre l’homme. Ou par la mainmise
par le possédant sur l’outil de production. Ou par la propagande, dévoiement de
l’intelligence et de la science.
Autre erreur aux conséquences désastreuses : le
changement qu’a connu l’humanité ne nous a pas été apporté par la bourgeoisie
ou le capitalisme. Bourgeoisie et capitalisme que l’on devrait renverser pour
libérer l’opprimé. Ce changement est le fait du progrès scientifique. (Que le
privilégié, certes, a fait de son mieux pour détourner à son profit.) Et l’organisation
industrielle sur laquelle il a débouché nous a apporté tout ce dont nous avons
besoin pour vivre correctement. Et l’intelligence collective, la méthode qu’utilise
la science, appliquée à la société, nous permet de trouver des solutions
pacifiques aux intérêts en conflit.
Comment mener le changement dont a besoin la société de 1935,
de manière scientifique, « intelligente » ? Quoi que non violent
et graduel, expérimental, il doit être radical. Il doit reposer sur un projet
de société global. Il faut « reformer
un cadre institutionnel ». Pour cela, rassemblons les idées des
libéraux et organisons-les. Alors, la force d’entraînement du libéralisme
réinventé sera irrésistible.
(DEWEY, John, Après le
libéralisme, Climats / Flammarion, 2014.)