Ortale
Ortale, enfin. Ortale que l'on gagne en suivant la route toute neuve qui grimpe à l'assaut des collines de l'Alesani... Tout d'abord, laisser derrière soi la mer encore proche et découvrir Cervione accroché au flanc des premières hauteurs. C'est là que le gendarme Charles Cottaz, notre trisaïeul, a été affecté au milieu du XIX°siècle.
Bien sûr, il aperçoit de loin l'église rassemblant les maisons claires dans le giron de son ombre protectrice, et cette bâtisse tout en hauteur, là-bas, qui est peut-être la gendarmerie.
Ainsi, qu’adviendra-t-il de lui, arraché au continent, si loin de la Savoie où il est né? A Vézeronze exactement. Mais n'a-t-il pas presque tout oublié de l'enfance savoyarde après une affectation à Vincennes? Il est à gager qu'il n'en est rien. Le dénivelé des montagnes corses a tout pour lui plaire qui renvoie aux images premières de sa vie d'hier. Le paysage qu'il découvre est si beau, si étonnamment contrasté avec ces verts tendres du creux de la vallée et ces verts sombres des sommets moins éclairés à l'heure où la voiture à cheval s'engage dans les rues montantes de Cervione.
Un jour, le lendemain peut-être, il se rendra à Ortale, ce village situé plus haut et qui fait partie du territoire de son affectation. C'est un village vivant, qui au recensement de 1769 (juste après l'annexion française de la Corse) comptait 53 feux, soit 289 habitants. Un des villages les plus peuplés de Castagniccia, tirant sa richesse de la châtaigne, de la culture du blé et même de la vigne. Les maisons sévères y sont souvent très grandes, abritant plusieurs générations et même toute la parentèle. Car le patrimoine ne se divise pas.
L'une de ces maisons parmi les plus imposantes est accolée perpendiculairement à l'église. Comme pour profiter mieux encore de sa protection. C'est la maison des Padovani.
Indifférente au mystère, dans cette maison, une jeune fille attend. Elle s'appelle Romanetta.