Los Angeles, la Cité des Anges, un repaire de nantis, de starlettes prêtes à tout, de stars déchus ou en devenir, de sportifs, de bandits repentis ou de producteurs ayant réussis par des moyens à la légalité relative. Pour le meilleur et pour le pire, tout ce beau monde gravite autour du Channel Club, un de ces clubs sélects à proximité de la plage de Malibu.
C’est dans ce cadre enchanteur que Lew Archer va être amené à enquêter sur la disparition d’Hester Campbell à la demande de son époux, un jeune reporter. Qu’a-t-il bien pu advenir de la jeune femme ? A-t-elle été enlevée ? A-t-elle choisi elle-même de disparaitre ? Autant de questions auxquelles le Lew Archer va devoir trouver des réponses. Et c’est avec intérêt qu’on le suit dans son enquête.
Pas de recherches ADN ou de police scientifique ici, époque oblige. Lew Archer est un privé à l’ancienne. Il utilise de bonnes vieilles méthodes qui ontfait leurs preuves. Il interroge, il questionne, il écoute, il observe, il recoupe et il en tire des conclusions, satisfaisantes de préférence. Son truc à lui, c’est plutôt la psychologie dans une enquête, la réflexion.
Mais n’allez pas croire pour autant qu’on s’endort à la lecture de ses aventures. Car s’il prône la discussion aux échanges musclés, il n’a rien contre une bonne baston quand ça s’avère nécessaire. Et il n’est jamais en reste quand il s’agit de mettre un peu d’ordre. Rien de tel qu’une bonne confrontation directe et virile !
Lew Archer est un privé tel qu’on pouvait en voir dans les vieux films noirs des années cinquante. J’en veux pour preuve qu’il a été incarné à deux reprises sous les traits de Paul Newman. Renommé pour l’occasion Lew Harper, vous admettrez qu’il y a pire comme interprète.
Revenons à notre histoire. Plus que l’enquête elle-même, ce que j’ai le plus aimé, c’est la galerie de personnages livrée par Ross MacDonald. Que des portraits idoines à l’idée que l’on se fait du Hollywood de ces années-là, quand la mafia ne semblait jamais bien loin derrière à tirer les ficèles. Les affaires sont les affaires… Le portrait de la mère prête à tout ou presque pour que sa fille devienne quelqu’un est particulièrement savoureux. Les meilleures comédiennes ne sont pas toujours celles qui sont en compétition pour les Oscars…
Impossible non plus de ne pas parler de la nouvelle traduction proposée par les Editions Gallmeister. Si je n’ai évidemment lu ni la traduction initiale ni la version originale, on sent ici un travail de qualité, précis et plutôt littéraire. Il m’est même arrivé à deux ou trois reprises de prendre mon dictionnaire pour approfondir le sens de certains mots ou anglicismes. A mon sens, le travail de Jacques Mailhosmérite d’être salué.
Avec La Côte barbare, je découvre la plume de Ross MacDonald, une expérience à renouveler !
Ross MacDonald 1915-1983
"Elle essaya de rougir. Échoua."
"- [...] Mme Campbell se vantait constamment de ses filles, mais elle ne se souciait pas vraiment de leur bien-être. C'était ce qu'on appelle une maman de cinéma j'imagine. Elle voulait faire en sorte que ses filles soient en état de pourvoir à ses besoins."
"Je m'assis près du téléphone, m'allumait une cigarette et tentai d'avoir une intuition brillante, comme tous les détectives de romans et certains dans la vraie vie."
"Il prit le mouchoir plié qu'il avait dans la poche de sa veste et s'épongea le visage avec. Je commençais à éprouver un peu de pitié pour lui. Rien n'est plus douloureux que la pleutrerie."
"- [...] Tout ce qui inclut le sexe, je suis pour. C'est ma philosophie de la vie à moi.
- Et c'est une belle philosophie, [...]. Le sexe et la télé sont les opiums du peuple."
"- Je croyais que l'opium du peuple, c'était la marijuana.
- Non, la marijuana est la marijuana du peuple."
"Une femme ouvrit la porte et me regarda d'un air pincé du nez, qu'elle avait long et grêlé d'antiques cratères d'acné. Ses yeux étaient noirs et petits ; ses cheveux permanentés aux bigoudis. Elle était si vilaine que j'en eus mal pour elle."
"On connait des tas d'inadaptés qui ont recherché une forme d'accomplissement dans la violence. Jack l'éventreur, par exemple, était sans doute un homme doté d'une forte composante féminine qu'il tentait d’annihiler en lui via la destruction de réels individus féminins."
Paul Newman dans Détective privé de Jack Smight, 1966
Un grand merci à Babelio et aux Éditions Gallmeister pour cette découverte.
Éditions GallmeisterISBN 978 2 35178 545 4301 pages1956 / 2014