Le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 mars 2007, relative au Code du travail (partie législative), a été adopté courant décembre, en deuxième lecture, par le sénat.
Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, a réaffirmé lors du débat parlementaire que cette ordonnance «constituait l'aboutissement de plus de deux ans de travaux patients et concertés dans le seul but de rendre plus lisible un code auquel tous s'accordent à conférer un statut particulier et de faciliter la vie quotidienne de ceux qui l'utilisent».
Mais, sous prétexte de simplification, ce texte opère en fait des modifications de fond qui portent atteinte aux droits des salariés et le travail de «recodification» n'a pas été réalisé «à droit constant», comme s'y était engagé le gouvernement…
Lancée par le gouvernement de Dominique de Villepin en février 2005, la "recodification" du code du travail était censée n’être qu’un toilettage, une simplification « à droit constant » ; En clair "des réaménagements techniques, mais sans conséquence sur les droits des salariés".
Ce projet de loi de ratification avait été déposé au sénat subrepticement le 18 avril 2007, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle. Et le gouvernement Fillon a fait le forcing pour le faire ratifier par les députés dès le 4 décembre mais la discussion avait été reportée faute d'un nombre suffisant de parlementairesdans l'hémicycle. Finalement adopté par les sénateurs endeuxième lecture le 19 décembre, la partie législativedu Codedutravailentrera en vigueur en mêmetemps quesa partie réglementaire au plus tard le 1er mai 2008.
Cette précipitation n’est pas sans rappeler celle du gouvernement de Dominique de Villepin à propos du CNE qui, après avoir été malmené par les tribunaux français, a été récemment condamné par l’OIT.
En fait de simplification, le nouveau texte sera encore plus difficile d’accès pour un non expert. Il devrait contenir 3652 articles au lieu de 1891 actuellement et 1890 subdivisions au lieu des 271 actuellement ! Tous les articles pourront désormais être modifiés par simple décret gouvernemental là où auparavant il fallait recourir à la loi et donc au débat parlementaire. Un véritable déni démocratique…
Ces déclassements touchent notamment aux conditions de licenciement et d’indemnisation, au rôle de l’inspecteur du travail, aux règles de prévention et de sécurité. Le plan de ce nouveau code multiplie ainsi les chausse-trappes et les ré-interprétations douteuses :
-Certaines catégories de salariés sont externalisées vers d’autres codes : salariés agricoles, assistants maternels, salariés du transport, des mines, de l’Education, marins, dockers, etc., ce qui est une atteinte à l’égalité devant le droit du travail.
-Les obligations en cas de licenciement économique font désormais l’objet de deux articles distincts dans deux sections différentes : le lien de l’un à l’autre disparaît.
-Les obligations d’information de l’employeur (registres, affichages) sont réduites.
-Comme par hasard, les dispositions sur le temps de travail sont intégrées au chapitre sur les salaires…, en écho au fameux «travailler plus, pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy.
-L’apprentissage a été chassé de la partie « contrat de travail » pour être renvoyé à la partie « formation professionnelle »
-En ce qui concerne les questions d’hygiène, de santé et de sécurité, les obligations des employeurs sont devenues un élément parmi tant d’autres avec « les obligations des travailleurs » faisant ainsi partager les risques et responsabilités avec les salariés – ce qui, en droit, est un recul de près d’un siècle !
-Les moyens de contrôle de l’inspection du travail, déjà faibles, sont démantelés. L’inspection du travail, indépendante des gouvernements en place du fait de la convention N° 81 de l’OIT, a été renvoyée dans la partie « Administration du travail».
-Le droit pénal du travail disparaît pratiquement et il n’y a plus de sanctions en récidive pour les employeurs.
-Les prud’hommes sont quasiment supprimés.
-le nombre de délégués syndicaux baisse.
-le droit de grève a été introduit dans la parie «négociation collective» alors que c’est un droit constitutionnel non négociable.
-etc.
Au-delà de cette manipulation inadmissible des textes, de la part de la majorité gouvernementale UMP, ce qui est également condamnable, c’est le recours, une nouvelle fois, à des ordonnances en vue d’avoir un minimum de débat au parlement. Une pratique courante sous la 5ème République qu’il conviendrait d’abolir définitivement…
Mais ce qui est regrettable aussi, c’est le silence général et étouffant des médias sur une telle affaire. Pas une seule Une dans les journaux et magazines, pas de débat bien sûr sur les Chaînes de Télé et de radio ! Pas assez médiatique sans doute aussi pour les instituts mesurant l’audience préférant les sujets plus attractifs comme les aventureuses amoureuses du président de la république chez Mickey et Pluto… Bref, motus et bouche cousue !
Pourtant, le code du Travail est le droit quotidien pour 18 millions de salariés du privé, mais aussi le droit le moins connu, le plus contesté et le plus fraudé.
C’est la base de l’Etat de droit dans l’entreprise. C’est également un droit évolutif, élaboré en cent trente ans, avec des hauts et des bas, sous l’impact notamment des luttes sociales et politiques. Chaque ligne, chaque article, chaque alinéa représente de la sueur, des larmes, des souffrances et des grèves, produits de toute l’histoire des mouvements sociaux de notre pays.
Et les salariés savent, souvent instinctivement, ce qui va en résulter pour eux : des conditions de travail dégradées, une souffrance accrue, une protection moindre, des salaires bloqués et des droits syndicaux diminués…
Merci à Gérard Filoche, inspecteur du travail, qui nous a confirmé la dangerosité des nombreux articles de ce nouveau texte :
http://www.dailymotion.com/video/x3m5ie_gfiloche-le-code-du-travail-est-en_news
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