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Fraises d’Espagne : bon appétit !

Publié le 16 mai 2008 par Albert @albertRicchi

Comme chaque année, le 8 mai à Velleron, petite localité du département de Vaucluse, se tient la fête de la fraise qui est une occasion unique de déguster ce fruit décliné en plusieurs variétés : Pajaro, Agathe, Ciflorette, Garriguette, Clery. Un grand succès populaire et gourmand qui permet d’oublier, un tant soit peu, l’arrivée en masse des fraises d’hiver espagnoles sur les marchés et dans les grandes surfaces, avant le mois de mai.

En remontant la filière des fraises d’Espagne, le WWF (World Wildlife Fund) a constaté que la plupart des exploitations se trouvent au cœur d’une forêt, en lisière du parc national de Donana, l’une des principales zones humides protégées d’Europe. De longs tunnels de plastique blanc, faisant office de serres, y moutonnent à perte de vue et les lambeaux de plastique font maintenant partie du paysage, accrochés le plus souvent aux buissons de genêts.

Pour irriguer les champs, les producteurs creusent de nombreux puits, le plus souvent sans aucune autorisation. Il y a quelques années encore, l’eau se trouvait à 7 m de profondeur, aujourd’hui, elle se trouve à 30 m…

A ce rythme là, cette région marécageuse avec ses pins et eucalyptus, pourrait se transformer en savane. Pour éviter une telle catastrophe, la solution passe avant tout par une culture légale et raisonnable. Autre solution aussi, ne plus manger de fraises d’hiver, consommer les productions locales à partir de mai, simplement, comme avant…


« D'ici à la mi-juin, la France aura importé d'Espagne plus de 80 000 tonnes de fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises» ces gros trucs rouges, encore verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs, et ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des tomates...

Si le seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout, seuls les consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté un produit qui se brade actuellement entre deux et trois euros le kilo sur les marchés et dans les grandes surfaces, après avoir parcouru 1 500 km en camion. À dix tonnes en moyenne par véhicule, ils sont 16 000 par an à faire un parcours valant son pesant de fraises en CO2 et autres gaz d'échappement. Car la quasi-totalité de ces fruits poussent dans le sud de l'Andalousie, sur les limites du parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, l'une des plus fabuleuses réserves d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe. Il aura fallu qu'une équipe d'enquêteurs du WWF-France s'intéresse à la marée montante de cette fraise hors saison pour que soit révélée l'aberration écologique de cette production qui étouffe la fraise française (dont une partie, d'ailleurs, ne pousse pas dans de meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont découvert les envoyés spéciaux du WWF, et que confirment les écologistes espagnols, illustre la mondialisation bon marché.

Cette agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne centaine empiètent déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national. Officiellement, 60% de ces cultures seulement sont autorisées; les autres sont des extensions «sauvages» sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des protestations des écologistes.

Les fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été dans des frigos qui simulent l'hiver, pour avancer leur production. À l'automne, la terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite avec du bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone, signé en 1987 (dernier délai en 2005); le second, composé de chlore et d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux: il bloque les alvéoles pulmonaires.

Qui s'en soucie? La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une main-d'oeuvre marocaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés dans des conditions précaires, qui se réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique recouvrant les fraisiers au coeur de l'hiver. Un écologiste de la région raconte l'explosion de maladies pulmonaires et d'affections de la peau.

Les plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation qui transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les cultures sont alimentées en eau par des forages dont la moitié ont été installés de façon illégale. Ce qui transforme en savane sèche une partie de cette région d'Andalousie, entraîne l'exode des oiseaux migrateurs et la disparition des derniers lynx pardel, petits carnivores dont il ne reste plus qu'une trentaine dans la région, leur seule nourriture, les lapins, étant en voie de disparition. Comme la forêt, dont 2 000 hectares ont été rasés pour faire place aux fraisiers.

La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe où, soit brûlées sur place. Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de s'exiler ailleurs en Espagne. Remarquez: ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais au cas ou les produits nocifs qu'ils ont respiré ...

La production et l'exportation de la fraise espagnole, l'essentiel étant vendu avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente ce qu'il y a de moins durable comme agriculture, et bouleverse ce qui demeure dans l'esprit du public comme notion de saison. Quand la région sera ravagée et la production trop onéreuse, elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise commencent à s'installer. Avant de venir de Chine, d'où sont déjà importées des pommes encore plus traitées que les pommes françaises... »

Merci à notre ami Claude-Marie Vadrot pour ce billet d’une brûlante actualité, à l’heure d’une mondialisation ultra-libérale qui fait de plus en plus de dégâts économiques, sociaux ou écologiques.

http://www.politis.fr/

http://reformeraujourdhui.blogspot.com/2008/05/fraises-despagne-bon-apptit.html

technorati tags: appétit, Espagne, fraises, grandes surfaces, production<é>

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