Parmi les souvenirs insolites – et disons-le, dans le registre de l’autodérision -, je retrouve en premier lieu ma rencontre avec Marie Laforêt. Elle était alors au sommet de sa carrière et de sa beauté. Elle venait de passer du cinéma à la chanson. On la surnommait la « fille aux yeux d’or », c’est dire ! (Du titre d’un film tourné avec son premier mari)
A l’époque, j’enregistrais des entretiens pour une émission de radio qui passait en fin de soirée le dimanche soir et j’essayais donc de prendre un ton plus confidentiel. Elle me donne ¾ d’heures d’interview et un rendez-vous à l’hôtel où elle est descendue. Je me présente à l’heure dite, bardé de mon lourd enregistreur portable, et je m’annonce à la réception de l’Amigo, près de la Grand-place de Bruxelles.
Première surprise, la vedette souhaite que je monte réaliser l’interview dans sa chambre. Je prends l’ascenseur le cœur battant, échafaudant déjà des idées folles dans ma tête sans aucun doute. Je frappe à la porte, elle m’ouvre : elle est en robe légère, la silhouette parfaite… elle me dit de la suivre et s’allonge sur son grand lit. Je ne sais pas encore comment m’est venue cette audace, mais je lui propose de réaliser l’interview ainsi. Je m’assieds donc sur le bord du lit, installe l’enregistreur, puis assez naturellement je prends la même position qu’elle, soit allongé à ses côtés – avec entre nos deux visages assez proches, le micro. Et un peu à la fois, les yeux dans les yeux, elle se livre. Ma voix devenait, elle aussi, plus douce. Je commence sérieusement à gamberger. Peut-être que je lui plais ? Comment vais-je pouvoir gérer ça ? Comment faire ? Dois-je faire le premier pas ? Et la rencontre se poursuit autour de l’amour, de l’amitié, de la passion… Elle est d’une grande séduction et je me noie dans ses fameux yeux dorés qui plongent dans les miens…
Tout-à-coup, elle se tait, regarde sa montre, se lève d’un seul bond, et me dit d’une voix redevenue tout à fait normale : « Voilà, monsieur, les trois quarts d’heure sont passés. Je vous reconduis. » Abasourdi, je rassemble mon enregistreur, le micro, les fils ; mais surtout j’essaie de rassembler mes esprits ! Elle m’invite à la suivre vers le couloir, mais en passant devant la salle de bains, elle en ouvre la porte : et là, je vois avec stupéfaction que son mari attendait assis sur un tabouret que l’interview s’achève. « Chéri, tu peux sortir, j’ai fini l’interview avec monsieur ! »
Je me suis retrouvé en moins de deux dans le couloir, me demandant vraiment ce qui était arrivé ! J’ai froid dans le dos en imaginant ce qu’un seul de mes gestes idiots aurait déclenché comme conséquence !
Elle était professionnelle tout simplement, et moi je n’étais qu’un amateur rêveur et poète !
« Il a neigé sur Yesterday… »