Chronique « Fils du soleil » : « Un coup de chien ! »
Scénario de Fabien Nury (lbrement adapté d’après Jack London), dessin de Eric Hénninot,
Public conseillé : Adultes / Adolescents
Style : Polar financier
Paru aux éditions Dargaud, le 24 octobre 2014, 56 pages couleurs, 12 euros
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L’Histoire
Dans son antre, le vieux Parlay, roi auto-proclamé de l’ile d’Hikoholo, reçoit le capitaine Herring. Il charge ce dernier de faire passer le mot. Bientôt aura lieu la vente aux enchères de toutes ses précieuses perles.
Tous les plus grands commerçants des îles Salomon sont invités, à l’exception de David Grieff. Cet homme d’affaire impitoyable, mais honnête, est en train de régler une vielle histoire.
Il monte à bord du Schönner de Jacobsen pour lui réclamer le paiement d’une dette. Jacobsen refuse et tente de lui faire signer une quittance, sous la menace d’un revolver. Mais Grieff se saisit d’un poignard et engage le combat, avant de s’échapper sous les coups de feu. Grièvement blessé, il est récupéré par son équipage…
Ce que j’en pense
« Fils du soleil » est une adaptation (libre) de deux nouvelles de Jack London : « Le fils du Soleil » et « Les Perles de Paray ». L’ensemble cohérent forme un grand roman d’aventure initiatique, où lieux sauvages et magnifiques (les îles Salomon) font écho aux aventures humaines âpres et démesurées.
Autant dire que Fabien Nury (l’auteur apprécié de « Il était une fois en France« , « W.E.S.T », « Mort au Tsar« , « Silas Corey« , « Tyler Cross« ..) s’attaque à une référence de notre patrimoine littéraire, même si le texte est moins célèbre que « Crocs Blancs », « Le loup des mers » ou « L’appel de la forêt ».
Scénariste subtil et très rigoureux, Nury se sert du matériau de base, pour en tirer une adaptation épurée et extrêmement dense.
Dans le premier livre, il décrit la petite communauté d’aventuriers des îles. David Grieff, le personnage « solaire » et fort ; Jacobsen et Zieff, les pourris et Peter Gee, le négociant honnête, sans oublier l’équipage dévoué de Grieff.
Comme dans tous les romans classiques de Jack London, la nature environnante est d’autant plus magnifique, que les rapports humains sont durs. Sous le soleil, la tragédie est plus forte. Mais c’est surtout les rapports entre hommes et leurs intérêts croisés qui intéresse Fabien Nury. Pour développer ces arcs narratifs, il construit un récit assez calme, malgré quelques scènes d’action.
Dans le second livre (« Les perles de Paray »), Nury concentre son travail de ré-écriture sur le conflit initial et dévastateur : la vengeance d’un homme (Le vieux Parlay) envers les armateurs / charognards qui ont détruit sa vie. Il nous raconte son drame et le rôle (annexe) du jeune David Grieff à l’époque.
La montée en tension du récit est palpable et trouve son apothéose dans une violence « orgasmique » digne d’un grand film Hollywoodien. Tandis que les hommes se déchirent et s’entre-tuent, la mer et les éléments se déchaînent en écho !
Les deux livres, si différents, forment une belle unité et s’enchaînent comme deux actes d’un même roman.
Mon seul regret est la « brièveté » de ce « one-shot » BD, qui aurait mérité un diptyque et plus de pages pour se développer.
Le dessin
Eric Hénninot, dessinateur autodidacte de « Alister Kayne, chasseur de fantômes » (avec Stephane Betbeder), deux tomes de Carthago (avec Chistophe Bec) et « XIII Mystery-Little Jones » (avec Yann), nous offre un dessin d’une grande maturité.
Nul doute que le passage dans le studio de Mathieu Lauffray (sur « Prophet T4« ) lui a fait un bien fou. Ces techniques d’encrages l’ont grandement influencé pour « Fils du soleil ». On y trouve la même énergie et un lâché-prise qui renforce émotions et impact graphique.
Eric Hénninot a passé un cap !
Au-delà de l’encrage, le dessin est globalement très construit. Composition, lisibilité, alternance de cases épurées et de cases chargées, Eric Héninnot assure l’histoire ET le spectacle. Un bon compromis qui sert l’album.
Les couleurs réalisés par Marie-Paule Alluard sont d’un classicisme de bon aloi. Légères et lumineuses, les aquarelles immergent le lecteur dans des ambiances colorées subtiles et fortes.
Pour résumer
Fabien Nury et Eric Héninnot adaptent deux nouvelles de Jack London. Un voyage en deux parties dans l’enfer des îles (paradisiaques) Salomon. Bande dessinée d’aventures et de vengeance, ils nous offrent un grand spectacle où les hommes et les éléments s’affrontent dans un apothéose de fin du monde. Le dessin à fleur de peau d’Eric Hénninot magnifie la force et la dureté des sentiments.