Qui mieux que l'auteur peut nous camper le propos, celui d'un roman à deux voix - et même trois vers la fin tandis que Raymond de Poitiers, seigneur d'Antioche prend la parole - celle d'Aliénor, la narratrice et la voix intérieure de Louis VII qui s'adresse à elle.
Dotée d'un tempérament de feu, de colère, partant de guerre, la jeune Aliénor éprouve d'emblée une sorte de répulsion pour son frais mari, frais monté sur le trône royal :
"Mon avenir se tient là, pâle et languide dans un écoeurant parfum de menthe. Car la vérité m'apparaît: je vais épouser un moine".
Epris autant qu'effrayé, fasciné par la personnalité de son épouse, le roi comprend d'emblée qu'il a fini la partie avant même que de la commencer : " On ne marie pas impunément le pouvoir et l'innocence."
Enlevée à ses terres d'Aquitaine et ses chères forêts, la toute jeune fille découvre le Nord, Paris, "Plus grouillante que Bordeaux et Poitiers réunis" , la méfiance voire l'hostilité de certains courtisans. Elle introduit à la cour poésie, chants, musique ainsi que quelques usages de luxe et de liberté.Elle corrompt le Roi dans son rapport à l'Eglise, dans son intégrité même, dans son humanité: "Je hais cet attirail de clémence et de bouche tordue qui usurpe le trône." La" calamiteuse croisade" de Damas aura raison de leur union: le 21 mars 1152 le couple obtient l'annulation de son mariage pour raison de consanguinité . Aliénor épouse alors , le 18 mai de cette même année, Henri Plantagenêt , à Poitiers .
Une lecture recommandée qui révèle un souffle épique maïtrisé.
Le roi disait que j'étais diable, Clara Dupont-Monod, roman, Ed. Grasset, août 2014, 240 pp, 18 €