Nous sommes en 1968, à Wildwood, en vacances. Les parents de Michelle consomment leurs trois semaines où, sorties d’une routine astreignante, ils reprennent contact avec la vie. Leur unique enfant a pris une décision, cette année, elle s’offre une aventure avec un lifeguard. Guillerette, l’ado a hâte de rejoindre ses amis américains. L’insouciance sera de courte durée, un meurtre sur la plage viendra teindre de noir cette expérience qui aurait pu être rouge pétant. Malgré que, en soi, les amours à l’adolescence, en vacances, c’est rarement simple.
L’auteur a vraiment réussi à recréer ces années où les Québécois trimaient dur pour s’offrir des vacances le moins cher possible (ils ont loué un logement), en autant qu’elles soient au bord de la mer. Les relations entre Michelle et ses parents sont criantes de vérité. C’est dans ses nombreux passages que je l’ai sentie la plus vraie. C’est une adolescente sage et responsable, qui se trouve ordinaire, elle a été élevée avec des principes sévères et pourtant, elle a le goût de s’offrir une aventure qu’il faut supposer sans lendemain. C’est le propre de l’adolescence de vouloir s’écarter du chemin que les parents tracent pour nous.
L’homme rêvé se présentera rapidement et son fantasme aura une possibilité de se concrétiser sans trainer.
En arrière plan se profilent les affres de la guerre au Vietnam, menace qui plane au-dessus de plusieurs jeunes. D'ailleurs, son fantasme en chair, en os et en maillot de bain, ce fameux lifeguard est revenu traumatisé du Vietnam, Michelle en découvrira progressivement l’ampleur. Son couple amis est également touché de près puisque le garçon sera bientôt appelé au front. Tandis que leur fille flirte avec cette gravité, de leur côté, les parents font tout pour se distraire et s'amuser. Leur seule contrariété sera de voir leur fille impliquée comme témoin important du meurtre d’une jeune femme.
J’ai aimé ce revirement de situation : voir les jeunes soucieux, plongés dans la résolution d’un crime sordide tandis que les adultes alimentent leur insouciance. Mes personnages favoris furent sans conteste les parents de Michelle, si bien campés. Les relations entre l’homme et la femme signent l’époque, l’homme portant les culottes, la femme tramant en-dessous pour adoucir les décisions du père trop sévère. Je n’insinue pas que je n’aie pas aimé Michelle, et son rêve de s’abandonner à l’amour, mais comme elle est la narratrice, il était délicat à certains moments de croire à son jeune âge, tellement la narration se décline sur un ton mature. Si elle a perdu son innocence, ce que l’auteure répète même si toute l’histoire le démontre, quand l’a-t-elle vécue ? Avant que l’histoire commence, faut-il croire.
Ce qui m’a émue ne sont pas tant ses amours d’adolescente que sa relation avec ses parents, et particulièrement avec son père. Ça sent la blessure encore ouverte.
Somme toute, l’histoire vaut amplement la peine d’être lue. Elle offre autant une histoire d’amour entre jeunes gens qu’une histoire d’amour entre un père et sa fille, rajouté à cela une bonne intrigue policière. On ne s’ennuie pas.
J’ai déjà hâte à cette prochaine où je ferai connaissance avec Kate McDougall.
Wildwood de Johanne Seymour
sept 2014 - 248 pages - Libre Expression