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Le jeune Rémi Fraisse est mort le dimanche 26 octobre lors des manifestations contre le projet de barrage de Sivens.
Le jeune homme voulait s’opposer à une construction qui, selon les écologistes, pouvait anéantir des zones humides de 13 hectares où sont présentes quelque 94 espèces protégées. Il avait hérité de l'esprit des combattants du Larzac (désobéissance civile de 1971 à 1981 contre l'extension d'un camp militaire sur ce Causse du Massif Central).
Son combat légitime contre une décision pourtant légale (le Conseil Général du Tarn ayant adopté l’autorisation du lancement des travaux par 43 voix sur 46 en 2013 et la préfecture ayant classé d’utilité publique le projet) s’est vu terni par l’apparition de factions séditieuses, aussi écologiques que le Pape est musulman, et qui n’avaient de cesse que les forces de l’ordre ne fussent agonies d’un maximum de cocktails Molotov et autres projectiles belliqueux.
Rémi est mort dans un noble combat qu'ont défiguré les démons d’une jeunesse désœuvrée à la solde de la violence gratuite.
Le jeune homme, botaniste, aimait la nature, la flore fragile qui tapisse cet écrin de sérénité du Testet.
Il est mort dans un combat qui avait dérapé et dont les responsables, outre les petits casseurs, peuvent se répertorier dans l’immense nébuleuse des décideurs à la solde d’intérêts économiques locaux.
En l’occurrence il s’agit d’assurer l’autonomie fourragère de quelques 82 agriculteurs (19 selon les opposants) par une retenue d’eau. Le lobby agricole a-t-il pesé dans la balance ? Ne pouvait-on pas envisager plusieurs petits lacs collinaires, à taille humaine, plutôt qu’un seul ouvrage pharaonique, prédateur d’écosystème et volant aux secours d’éleveurs de bétail quand on sait que la viande nécessite magistralement des quantités d’eau (1 kg de bœuf produit requiert 15.500 L, il n’en faut que 1.300 pour 1 kg de blé).
Rémi Fraisse est mort et déjà son décès est instrumentalisé. Le Vert, Noël Mamère, dit qu’on ne peut construire un barrage sur un cadavre.
Le gouvernement, après de timides compassions, a enfin réagi. La communication s’est déclenchée à retardement. Le chantier est suspendu. Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, reconnaît que la construction d’un tel barrage ne serait plus possible. Elle a commandité un rapport d’experts qui établit, déjà, que des solutions alternatives n’ont pas été sérieusement étudiées à l’époque ! Par ailleurs le financement n’est pas garanti qui prévoyait des fonds européens pour financer l’extension d’irrigation contre toute faisabilité !
Pendant qu’on se renvoie la balle, qu’on s’interroge sur l’avenir de l’infrastructure, qu’on récupère le corps de Rémi comme argument de tragédie, une famille pleure l’être emporté !
La mort de Rémi Fraisse nous renvoie à notre existence humaine, fragile, désireuse de cohabiter avec la nature mais envoûtée par les démons du productivisme. Elle remet en cause nos modes de décision, les arbitrages de court terme, les études hasardeuses ou bâclées. Elle nous interroge sur la légitimité des élus locaux et finalement sur notre démocratie. Les enfants du Larzac Ont des rêves de vents Au cœur des bivouacs Les senteurs du printemps L’utopie vagabonde En leur sang militant La nature féconde Des nobles sentiments
Ils se creusent un sillon D'opposition farouche Aux sournoises raisons De financières mouches. Mais l’humeur pacifique Qui anime leur front Côtoie l’ombre tragique La plus noire sédition
Au sein du blanc troupeau Les loups se sont mêlés Envenimant l’haro Contre les policiers Loin des bras de Gandhi Des sagesses bouddhistes Ils ont souillé le lit Des rivières altruistes
Rémi Fraisse est tombé Dans ce combat perclus De l’agressivité Sous des rêves perdus Au milieu d’un conflit Qu’il se peignait tranquille La camarde le prit Trop fluette brindille.
Il brandissait l’écu De légitimité A stopper la venue D’un barrage sorcier Dont les rites mauvais Extrairaient de la vie Zones d’humidité Renoncule jolie.
Contre l’égalité De vues économiques Il traînait au Testet Son âme bucolique La grenade frappa De son ire gendarmée Acculée aux éclats Dans ce combat tronqué
Dans ce volcan nourri De laves délinquantes Quand dansent les scories Aux brûlures violentes Qui a tué Rémi L’édifice menaçant Qu’une démocratie Du Tout haut fit séant ?
Qui brisa cette vie Embellie de nature La sinistre incurie D’un Etat immature Révisant le projet Du litigieux barrage Jugeant surestimé Les besoins de l’ouvrage ?
L’utilité publique De son corps contesté S’ébroue de dogmatiques Relents d’utilité. Celui de Rémi gît Sous les débats sans fins D’agriculteurs aigris Et d’écolos mutins.