Cet article est le deuxième d’une série de trois concernant le taux d’actualisation. Pour lire le premier article, vous pouvez cliquer sur le lien suivant: L’actualisation de flux monétaires: La méthode d’accumulation des primes de risques (Build-up method). Dans ce premier article, j’ai traité d’une méthode de détermination du taux d’actualisation souvent utilisée en évaluation d’entreprise appelée la méthode Build-Up.
Le texte qui suit traite d’une méthode d’actualisation « probabilistique » proposée par Joe Cheung et encore peu utilisée dans le monde financier. Comme toutes les autres méthodes de détermination de taux d’actualisation, la méthode de Cheung comporte son lot de faiblesses, mais elle peut s’avérer extrêmement utile lors de situations particulières. J’ai d’ailleurs opté pour un exemple réel afin d’illustrer l’utilisation de cette méthode.
Mise en contexte
Mon client, une sorte de « créancier gouvernemental », cherchait à déterminer une façon d’actualiser les montants prêtés qui lui seraient remboursés une fois venus à terme.
Étant donné les particularités propres aux activités de mon client, les méthodes d’actualisation habituelles (CAPM, accumulation de primes de risques, etc.) ne pouvaient être utilisées. La firme comptable et le conseil d’administration de mon client tenaient toutefois à actualiser les montants afin de tenir compte du risque de récupérer ces emprunts. Il est à noter que le concept de « rendement requis » ou « coût du capital » peut devenir particulièrement complexe lorsque l’actionnaire en question est le gouvernement ou une de ses tentacules. Le coût de la dette ne pose pas vraiment de problème, mais le coût des « fonds propres » nécessite quant à lui un peu plus de réflexion.
J’ai donc suggéré à mon client l’utilisation une méthode probabilistique, telle que celle de Cheung (voir référence au bas de l’article), afin d’actualiser ses flux monétaires. Cette méthode fournie un taux d’actualisation en utilisant des probabilités de succès d’un projet. Elle est également utilisée par des sociétés de capital de risque.
Application
Tout d’abord, l’application de cette méthode nécessite des données historiques fiables et suffisantes qui permettent de déterminer les probabilités de succès d’un projet (ou de la survie d’un type de compagnie). Ensuite, pour un cas relativement simple, il suffit d’intégrer le taux sans risque à la recette.
Par exemple, si l’on assume que la probabilité de succès d’un projet d’une durée de 5 ans est de 85 % et que le taux sans risque pour le même horizon est de 4 %, on peut déterminer le taux d’actualisation « minimal » de la façon suivante :
où : r = taux d’actualisation (annuel)
i = taux sans risque
p = probabilité de succès (aussi appelée « probabilité de survie ») annuelle
Cette formule permet d’estimer le rendement requis sur le capital-actions d’un projet. Les principales hypothèses sont que les investisseurs sont « neutres » au risque et qu’aucun montant n’est récupéré si le projet est un échec. L’article de Cheung suggère également une formule similaire pour obtenir un taux d’actualisation pour la dette.
Donc, on obtient un rendement requis sur le capital-actions de :
Le tableau suivant indique différentes valeurs hypothétiques illustrant la méthode de Cheung.
Hypothèses :
taux sans risque = 2,25 % et rendement reçu par les créanciers en cas d’échec (rb) = -50 %
re = Coût du capital-actions
rd = Coût de la dette
Valeurs hypothétiques pour calculer le coût du capital-actions (re) et le coût de la dette (rd) pour un période donnée
Où :
Les formules précédentes peuvent aisément être modifiées pour considérer une augmentation de la probabilité de survie de période en période (ce qui est effectivement plus réaliste) ou encore une analyse multi-périodes.
Autres applications
Tel que mentionné précédemment, cette méthode peut être utilisée pour évaluer des projets « inhabituels » ou encore des investissements de capital risque. Elle peut même être utilisée à des fins de validation lors d’une évaluation d’entreprise à l’aide de données telles que celles compilées par la Risk Management Association® concernant les probabilités de faillite/défaut (« Expected default frequency ») des entreprises d’un secteur.
Conclusion
Le principal avantage d’une méthode d’actualisation probabilistique est qu’elle ne requiert pas de beta ou encore l’utilisation d’une structure de capital optimale basée sur des compagnies comparables. En effet, ces données sont parfois difficiles voire impossible à trouver dans certaines situations. Bien sûr, il existe des inconvénients à utiliser une telle méthode et j’ajouterais qu’une lecture attentive de l’article en référence (Cheung 1999) est primordiale avant d’adopter cette alternative.
Référence: Cheung, J. 1999, « A Probability Based Approach to estimating Costs of Capital for Small Business », Small Business Economics 12: 331-336.
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