La genèse de Lafayette Go Home c’est la ville de Saint-Nazaire, Loire-inférieure, encore Bretonne en 1919, date à laquelle se situe la trame du roman. Saint-Nazaire, c’est aussi là où le corps expéditionnaire américain débarque en juin 1917, en prononçant la fameuse phrase ”Lafayette nous voilà”. C’est vrai que cela avait de la gueule à voir ces “Sammies” venir donner leur vie pour aider la France à gagner la guerre et s’acquittant par là-même de la dette morale contractée en 1788 lors de leur indépendance.
Sauf qu’en consultant l’excellente thèse de l’historien nantais Y.H. Nouailhat Les Américains à Nantes et à Saint-Nazaire, on apprend qu’ils sont toujours à Saint-Nazaire en 1919 et même numériquement supérieurs à la population locale. Avec bientôt une arrogance que leur donne un pouvoir d’achat de loin supérieur au quidam français (leur présence avait fait multiplier par dix les prix des denrées déjà rares en ces temps d’après-guerre). Un comportement de supériorité qui confère à l’agacement. Un mépris de la morale et des bonnes moeurs qui leur fait considérer que la France est un lupanar où les filles sont faciles parce qu’achetables comme n’importe quel produit de consommation.
Mais le pendant positif de leur présence, ajoute l’historien Nouailhat, ce fut une volonté réelle de faire de Saint-Nazaire l’axe principal qui reliera l’Europe aux USA, ce qui se traduira dans les faits par de gigantesques travaux qui transformeront la ville à jamais.
Lafayette Go Home, c’est tout cela, raconté comme un roman noir à travers l’enquête policière menée par un flic à la gueule cassée et un indien Houmas parlant le Français cadien, sur fond de crise sociale, économique et politique, d’une ville marquée au rouge, partagée entre une bourgeoisie conquérante et une classe ouvrière exsangue, animée du rêve éveillée du “Grand soir”.