Conférence en hommage à Jean Oury (1924-2014) Par Pierre Delion Lille, le 15 Septembre 2014
Pierre Delion : Je remercie l'association culturelle représentée par Paola Brice, sa présidente, de bien vouloir m'accueillir pour prononcer cette conférence sur Jean Oury, sa vie, son œuvre. Il m'a aidé à devenir ce que je suis, et je suis sûr que c'est le cas de nombreux soignants de psychiatrie. Il est décédé le 15 mai dernier à l'âge de quatre vingt dix ans, vers onze heures du soir à La Borde, -vous voyez quelle élégance le caractérise, un de ses grands succès comme auteur, comme écrivain a été Onze heures du soir à La Borde ,-. Je tenais absolument à faire une soirée consacrée à sa mémoire, étant bien entendu que, évidemment, il faudrait des dizaines de soirées pour suffire à la mémoire d'un tel personnage. Ceux qui l'ont connu savent que c'est un géant de la psychiatrie qui vient de disparaître, je dis bien de la psychiatrie, puisque Buzaré avait repris en guise de titre de son livre, l'aphorisme de Oury : « la psychothérapie institutionnelle, c'est la psychiatrie ». Pour lui, psychanalyse, psychothérapie institutionnelle et psychiatrie étaient les aspects complémentaires d'une même approche du malade mental, consubstantiellement liées les uns aux autres. Bien sûr il n'était pas question pour lui de mélanger ces champs spécifiques dans une confusion généralisée, mais bien au contraire de les mettre au service d'une pensée et d'une pratique visant à accueillir les patient avec la plus grande singularité.
Son message est d'autant plus important actuellement que la psychiatrie est en train de changer profondément, et que peut-être la manière dont il a réussi à en visiter la pratique et la réflexion, de façon à la fois si intelligente et si humaine, risque de disparaître d'un souffle, si on ne se pose pas la question, non pas celle de comment conserver son héritage, mais celle de cultiver dans nos pratiques, de façon efficace, les différents concepts qu'il nous a transmis. J'utilise ce mot « efficace » parce qu'il l'aimait beaucoup, mais pas dans le sens que lui attribuent les technocrates d'aujourd'hui, plutôt au sens de Lévi Strauss, du structuralisme, de l'efficacité symbolique, choses auxquelles il tenait beaucoup, sans jamais les fétichiser.
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