Stalker (2014): pourquoi l’Amérique est si insécure

Publié le 02 novembre 2014 par Jfcd @enseriestv

Stalker est une nouvelle série diffusée depuis le début octobre sur les ondes de CBS aux États-Unis et Global au Canada. L’action prend place à Los Angeles au sein d’une unité de police chargée d’enquêter sur toutes les plaintes de harcèlement de la ville. Dirigée par la lieutenante Beth Davis (Maggie Q), l’équipe accueille justement un nouveau venu : le détective senior Jack Larsen (Dylan McDermott), spécialiste pour analyser le comportement de ces déviants. Ensemble, ce « couple » se révèle expert pour déjouer les pires menaces d’autant plus que chacun d’eux s’est déjà retrouvé dans la position harceleur/harcelé. Du créateur de The Following et des films Scream Kevin Williamson, Stalker tombe rapidement dans le sensationnalisme, préconisant des scènes de violence qui dépassent l’imagination ayant pour seul but de divertir le téléspectateur. Bourrée de raccourcis à scénaristiques, la série, sans le vouloir, nous en dit long sur la façon d’aborder le crime en général au pays de l’oncle Sam. Et malgré tous ces défauts, elle remporte un succès considérable… allez comprendre.

Personne n’est à l’abri

« Chaque année, 6 millions d’Américains sont victimes de harcèlement » « 1/6 sont des femmes, 1/19 des hommes » « le nombre a triplé depuis l’avènement des réseaux sociaux » : ce sont les phrases qui marquent l’ouverture du pilote de Stalker.  Ne cherchons pas de sources : ces statistiques de pacotilles doivent être vraies puisque la télévision nous le dit… En fait, ces pseudo chiffres ne sont énoncés que pour nous préparer à la scène qui s’en vient : un homme masqué asperge une jolie jeune femme d’essence, celle-ci se réfugie dans sa voiture qui est aussi trempée du liquide. Il allume une allumette et tout l’attirail prend en feu, y compris la victime qui décède. Mais voilà que son ancienne colocataire aussi est menacée, mais Beth et Jack veillent au grain, comme pour les prochains cas d’ailleurs. Dans l’épisode suivant, un jeune garçon est kidnappé par une femme qui a perdu la carte. Elle menace d’un couteau tous ceux qui veulent s’approcher d’elle et essaie même de tuer le bambin. Dans le troisième, un ex-policier s’en prend à son ancien employeur en tirant une balle dans la tête de sa fille le jour de son mariage alors qu’elle est sur l’autel. Il cherche ensuite à lui faire mal en réservant le même sort à tous ses proches. À noter que puisqu’il s’agit d’une série du type procédural et afin de maintenir en haleine le public, les deux policiers ne peuvent trouver le malfaiteur si rapidement. Résultat? Ils interrogent d’abord les suspects ayant le plus de preuves contre eux, mais ils s’avèrent innocents du présent crime. Reste qu’ils sont tous dérangés à divers degrés, ce qui fait qu’on a deux fois plus de pervers en liberté!

Mais ce n’est pas tout. Il faut bien imposer à nos personnages principaux une quelconque profondeur, si bien que l’on apprend que Beth a par le passé été harcelé, ce qui explique sûrement sa méfiance envers la majorité des hommes. Une chose est certaine, son métier ne doit pas l’aider à passer à autre chose concernant les cas sur lesquels elle enquête. Les choses vont de mal en pis lorsqu’un étudiant qu’elle a interrogé se met à l’épier d’épisode en épisode. Et comme si la ville n’était pas assez mal en point, voilà que Jack est tout compte fait un harceleur, puisqu’il a demandé son transfert à Los Angeles, entres autres, pour se réconcilier avec son ex Amanda (Elisabeth Röhm) de qui il a eu un fils, qu’il n’a jamais connu. Lorsqu’elle découvre qu’il a aménagé en ville, furieuse, elle lui donne deux semaines pour faire ses bagages et s’en aller ailleurs, sinon elle le dénonce. Malgré tout, Jack reste et continue à l’épier…

Tellement américain…

Brian Lowry dans sa critique met le doigt sur ce qui dérange le plus dans la série: « Stalker just feels like an excuse to showcase people being chased and killed in grisly fashion, with the semi-comforting notion the perps will be caught within 43 minutes. » Des malades mentaux à l’écran, il y en a de plus en plus, mais c’est le format procédural qui pose problème. Malgré toute la violence présente dans The Following, reste que les policiers étaient à la recherche d’un seul homme, Joe Carroll qui certes avait des adeptes, mais les ordres ne venaient que de lui. Gotham se rapproche peut-être davantage de Stalker avec de nouveaux psychopathes chaque semaine, mais la série de Fox est inspirée de bandes dessinées; ce qui place la fiction dans la fiction. Dans la série de CBS, n’importe qui suit n’importe qui, pour des raisons qui témoignent d’une paresse scénaristique. Dans le pilote, le coupable a harcelé la jeune femme parce qu’elle a refusé de sortir avec lui. Dans le second, une femme qui voyant son divorce imminent a tué son propre fils, persuadée qu’il était la cause des malheurs du couple. Dans le troisième, l’ex-policier de venge sur son supérieur… parce qu’il l’a renvoyé deux ans plus tôt. L’ironie ici (et Williamson en est parfaitement conscient), est que les policiers ne peuvent rien faire sans preuve concrète, si bien que chaque victime se doit d’être menacée, un couteau à la gorge afin qu’ils puissent intervenir. Donc, plus de meurtres macabres et plus de séquences de harcèlement gravissimes.

On pourrait comparer Stalker avec deux contre-exemples… canadiens. À l’hiver 2013, CBC lançait la série Cracked dans laquelle un policier et une psychiatre unissaient leurs efforts pour stopper des personnes à risques. L’enquête « physique » était cependant relayée au second plan pour laisser plus de place au côté psychologique autant des victimes que des potentiels agresseurs. Leur but était de fournir les ressources médicales nécessaires à ces derniers. Durant la même saison, CTV nous est arrivée avec Motive où l’on entrecoupait les enquêtes des deux détectives par de nombreux flashbacks nous permettant de bien comprendre le motif du meurtrier. Lors de certains épisodes, on réussissait même à provoquer chez le téléspectateur une certaine empathie envers le coupable en raison de circonstances diverses.

Stalker est tout le contraire. Jack et Beth y vont d’analyses simplettes qui leur permettent d’identifier la psyché des harceleurs en cinq minutes, puis de les démasquer. Lorsque cela est fait, et pour terminer l’épisode en beauté semble-t-il, ceux-ci décèdent à la american way, c’est-à-dire d’une balle dans le corps. C’est tellement plus rapide et efficace que de leur donner de l’aide. Enfin, on tente de nous persuader qu’il y a de bons harceleurs comme Jack, puisque le protagoniste souffre d’une peine d’amour et ne peut s’approcher de son fils. Et les autres? N’ont-ils pas souffert pour en venir à commettre des gestes aussi incompréhensibles? Cette réflexion n’est pas prise en compte ici.

9,05 millions de téléspectateurs pour le pilote, puis, 8,17/7,87 /7,37 pour les épisodes successifs : les chiffres sont en constante baisse, mais tout de même très forts, si bien que CBS annonçait fin octobre qu’elle renouvelait Stalker pour une saison complète… 22 épisodes où la même mécanique sera répétée ad infinitum.