Lorsqu’il s’est agit du divorce, de l’avortement, du mariage pour tous, et malgré les esprits les plus conservateurs de notre société, le législateur a créé les conditions du choix et l’encadrement des pratiques afin que ce choix s’exerce librement, sans contrainte et sans aucune dérive.
Sur le sujet de la fin de vie – tabou s’il en est, tant cette question est empreinte en France de notre héritage chrétien – il ne faut pas agir autrement. Laisser l’individu choisir, encadrer les pratiques de la fin de vie afin de s’assurer de son consentement libre et éclairé et de se garder de tout risque de dérive.
La dignité, c’est précisément cela. Agir selon sa conscience, sa volonté, fixer soi-même les limites de sa propre condition de femme ou d’homme et refuser d’en franchir les frontières qui font passer de la vie, belle et magique, à la survie, dramatique et douloureuse.
Pourquoi, en France, contrairement aux Pays-Bas, à la Belgique, au Luxembourg…, pays qui nous sont si proches, des médecins, des religieux, des croyants imposeraient aux autres leurs propres opinions ? N’est-ce pas avoir foi en l’homme que de croire en son jugement et de le respecter, même si cela va à l’encontre de nos convictions personnelles ?
En matière de fin de vie, la dignité, c’est maîtriser les conditions de sa propre fin de vie. Avoir le choix entre être prolongé dans sa thérapie car chaque jour gagné est une victoire sur la maladie ; bénéficier d’un lit dans une unité de soins palliatifs, ce qui est loin d’être le cas dans notre pays tant le manque de moyens hospitaliers est cruel, contrairement à ce qui existe dans les pays du Benelux ; bénéficier d’une aide active à mourir, qu’il s’agisse d’une euthanasie active ou d’un suicide assisté, parce que la mort est là, que le diagnostic de fin de vie a été posé, que la médecine est impuissante non seulement à guérir mais également à soulager et que le patient la demande.
Dans notre pays démocratique, seule une loi républicaine assurera les bonnes pratiques ainsi que l’égalité entre chaque citoyen, sans considération de sa fortune personnelle qui lui permettrait de se rendre en Suisse ou de ses relations qui lui permettraient de bénéficier du coup de pouce d’un médecin plus compatissant et plus audacieux que les autres.
Le tout dernier sondage (Ifop – octobre 2014) rappelle combien les Français sont attachés à cette ultime liberté, celle de choisir le moment et la manière d’éteindre la lumière. En effet, 96% de nos concitoyens sont favorables à la légalisation de l’euthanasie, quand les médecins y sont tout de même favorables à 60% (Ipsos – janvier 2013 pour le Conseil national de l’Ordre des médecins). Dans le même temps, 94% des Français comprennent le choix de leurs compatriotes qui s’exilent en Suisse pour y mourir dignement, puisque c’est pour 92% le signe du caractère insatisfaisant de la loi Leonetti.
Nous pourrons débattre des heures. Nous pourrons parler d’Hippocrate et de Dieu. Du don et du Sacré. Néanmoins, aucun argument ne viendra à bout de la supériorité de la liberté et du choix sur les croyances et l’autoritarisme, voire le paternalisme. C’est aussi cela, la dignité de l’homme : décider pour lui-même et ne pas subir d’influences.
Alors, comment assurer une fin de vie digne en France ? Ecoutez la souffrance et la demande de celui qui est dans le lit. Ne parlez pas en son nom. Epargnez-lui les tourments de la fin de vie si tel est son choix. Epargnez-lui le temps de l’agonie s’il le demande.
La dignité du mourant est de rester un citoyen libre et responsable jusqu’au bout. Un citoyen écouté et respecté. Aux détracteurs du droit de mourir dans la dignité, je rappellerai aussi que la dignité des vivants est de respecter autrui et de ne pas lui imposer ses vues. C’est une question de principe et de droit.