Chronique Les Sculpteurs de BD (Bruno Cabanis) - Eyrolles

Par Bande Dessinée Info

Aroutcheff, Pixi, Fariboles, Attakus, Leblon-Delienne, voici des noms qui évoquent bien des choses chez les collectionneurs de paraBD. Et s’il existe quelques sites bien fournis comme le forum Objectible ainsi que des tentatives d’argus dans le BDM ou des recensement plus exhaustifs avec CAC3D, il restait à faire une synthèse de tous ces rêveurs qui donnent vie à nos personnages de papier. C’est la tâche à laquelle Bruno Cabanis s’est attelée pendant cinq ans pour un résultat de très haute tenue.

Méthodique, Bruno Cabanis commence son ouvrage en remontant à la préhistoire du paraBD, lorsque les premiers objets issus de ce que l’on appellera plus tard la Bande dessinée commencent à apparaître dans les devantures des marchands de jouets. Sans négliger l’apport d’Alain Saint-Ogan au Neuvième Art (quelques modèles de son pingouin Alfred venus des années 30 sont en photos dès les premières pages), il s’attaque sans tarder à la première star des produits dérivés. C’est bien de Tintin qu’il s’agit, mais le reporter créé en 1929 devra attendre un peu avant de prendre du volume : sous l’impulsion de Gérard Liger-Belair, qui tenait un magasin de modélisme à Bruxelles, le premier objet bd issu de l’univers d’Hergé sera... un kit de construction de La Licorne, le bateau ayant appartenu à l’un des ancêtres du capitaine Haddock. Autre précurseur, et également maquettiste, Georges Salmon, réalisera notamment pour André Franquin les modèles réduits de nombreux véhicules comme la Zorglumobile volante, la TurboT et la voiture de Gaston, afin de permettre au dessinateur de les représenter plus facilement.

Les base étant posées, Les sculpteurs de BD se poursuit sur une série de chapitres consacrés aux plus recherchés des sculpteurs et modeleurs qui se sont inspirés des œuvres dessinées. Et à tout seigneur tout honneur, c’est Nat Neujean qui ouvre cette galerie de portraits, celui-là même auquel le Musée Tintin consacre en ce moment une belle exposition. Anecdotes (on apprend par exemple que c’est le propre chien d’Alain Baran, homme de confiance d’Hergé qui servit de modèle pour la statue exposée au parc de Wolvendael), biographie et photos à l’appui, ce précurseur laisse la place à ses confrères au fil des chapitres.

Tous les grands du paraBD, ceux dont les collectionneurs s’arrachent les productions, sont présents. Jean-Marie Pigeon, Leblon-Delienne, Michel Aroutcheff, Pixi, Patrick Regout, Démons & Merveilles, Idem, Fariboles, Attakus et Dominique Mufraggi ont répondu à l’appel, et ouvert pour ainsi dire en grand les portes de leurs ateliers. En véritable reporter, Bruno Cabanis, en a rapporté à chaque fois de très nombreuses photographies, non seulement des lieux où sont conçues les statuettes qui ornent les étagères des amateurs, mais aussi des méthodes de fabrication. Véritable morceau de bravoure, la fabrication d’Alfred par Jean-Marie Pigeon occupe à elle seule une vingtaine de pages de l’ouvrage, très amplement documentée ! Chacune de ces visites est complétée par un bel historique des productions de chaque atelier, avec de nombreuses anecdotes et documents d’archives à l’appui, ce qui permet de retracer l’histoire du paraBD, et donc en filigrane l’évolution de la Bande Dessinée elle-même.

Au fil de ses 288 pages, Bruno Cabanis a bien réussi son pari en décrivant par le détail les tenants et les aboutissants du travail des sculpteurs qui font rêver tant de fans. Un superbe ouvrage, qui mérite amplement ses 45 euros !