Il est vraiment surprenant ce Pierre-Karl Péladeau (PKP), le magnat des médias québécois qui a décidé de quitter son conglomérat pour la politique active. Sur sa page Facebook d’hier, il a publié un texte dans lequel il s’attaque directement à la famille Desmarais, celle du regretté, célèbre et exceptionnel homme d’affaires québécois Paul Desmarais.
Il a malicieusement tenté de démontrer que le passage de l’oléoduc du pétrole brut albertain à travers le Québec a été décidé par la famille Desmarais afin qu’elle puisse profiter de revenus additionnels de ses investissements dans la pétrolière française Total. Rien moins que cela. Le pétrole de l’Alberta, contenu dans des sables bitumineux, a un volume d’environ 1,8 billion de barils de bitume, soit une quantité comparable en ordre de grandeur à l'ensemble des réserves de pétrole conventionnel au monde. Avec les méthodes modernes de production de pétrole, seuls 10 % de ces dépôts, c'est-à-dire environ 170 milliards de barils sont économiquement et « proprement » exploitables. On le dit sale. C’est l’exploitation qui est sale et qui est critiquée. Je l’ai fait souventes fois dans mes blogs passés. Sa production génère beaucoup de GES et requiert une quantité importante d’eau fraîche. Depuis le début, la qualité de l’extraction s’est grandement améliorée mais il reste encore beaucoup à faire. Les pétrolières y travaillent car elles veulent vendre leur produit. Quant à ce pétrole brut qui est transporté, il a une consistance similaire à ceux du Venezuela et de l’Algérie. Il n’est pas plus sale que les autres. Pour le vendre, il faut l’exporter dans le monde. C’est une difficulté majeure. À l’ouest, via le Pacifique, aux pays asiatiques et l’Océanie. Au sud, via l’oléoduc KeystoneXL et autres, aux USA et aux pays de l’Amérique centrale et de l’Amérique du sud. À l’est, par l’oléoduc de l’est, aux raffineries des provinces canadiennes et du nord-est américain, et, via l’Atlantique, à l’Europe et à l’Afrique. C’est une richesse incroyable qui appartient à tous les Canadiens. Pour 2014, les revenus de l’industrie du pétrole et du gaz au Canada auront générés près de 150 milliards de $. Évidemment, les premiers bénéficiaires sont les citoyens de l’Alberta dont près d’une centaine de milliers de travailleurs québécois qui y ont émigré avec leurs familles pour trouver de bons emplois rémunérateurs. Le gouvernement du Canada, ceux des provinces et tous les autres citoyens du pays sont aussi favorisés car les revenus, partagés grâce au système de péréquation, allègent les systèmes de taxation. Avec plus de revenus, les gouvernements ont la possibilité de rendre de meilleurs services tout en diminuant les dettes publiques et les impôts. En juin 2013, la production en opération fut de 3 537 000 barils/jour de pétrole brut. La production des projets futurs était estimée à 7 694 120 b/j. Voici ce que PKP a affirmé :- « La famille Desmarais est le plus important actionnaire de TOTAL ». En réalité, elle n’a que 3,6% du capital et des droits de vote de la compagnie conjointement avec un investisseur belge. En fait, elle détient près de 1,8%. Le plus important actionnaire, vraiment ? - « TOTAL est l’un des plus importants exploitants albertains du pétrole extrait des sables bitumineux ». La compagnie est présente en Alberta avec les autres grandes pétrolières du monde. Au début du printemps 2013, elle s’est retirée du projet d’une usine pétrolière en Alberta devant réduire la viscosité des pétroles bitumineux afin de pouvoir les traiter dans les raffineries traditionnelles. Cette aventure s’est soldée par une perte de 1,6 milliards$ pour la compagnie. En juin 2013, TOTAL avait un investissement de 38,4% dans les projets de Fort Hill (avec Suncor et Teck) et un autre dans le projet minier de Joslyn. Elle a produit 192 384 b/j, soit 5,4% de la production totale. En rapport avec le futur, sa part est prévue à 219 040 b/j, soit 2,84%. C’est çà, le plus important exploitant ? - « Les américains refusent l’accès vers le sud avec le projet Keystone actuellement suspendu ». Les inquiétudes originales avaient rapport avec l’importante nappe aquifère du Nebraska. Des dévoiements de l’oléoduc Keystone XL ont été proposés par Trans Canada Pipeline et acceptés par le gouverneur du Nebraska qui a levé son opposition. Aujourd’hui, c’est la tenue des élections législatives américaines de novembre qui retarde l’accord final d’OBAMA. Ce dernier ne veut pas déplaire à sa base environnementaliste avant les élections. Après, il devrait agir comme il l’a déjà dit, surtout si, comme prévu par les sondages, les républicains, qui y sont favorables au XL, détiennent la majorité au Sénat américain tout en maintenant celle à la Chambre des représentants. Ce qu’on doit savoir c’est qu’une grande partie de l’oléoduc Keystone d’une longueur de 3 462 km est déjà construite car il n’est pas un oléoduc mais un réseau d’oléoducs. En effet, depuis la demande de permis de construction du XL, il y a 5 ans, des milliers de km ont été réalisés et mis en opération. Ils transportent, actuellement, 600 000 des 2,5 millions de b/j que le Canada vend et livre aux USA. Avec trois des quatre phases du Keystone en opération, il ne reste qu’une section connue sous le nom de KeystoneXL, du sud du Nebraska aux champs de pétrole de l’Alberta, à terminer. Cette dernière ajoutera 400 000 b/j (dont 25 % sera du pétrole américain) au réseau. « L’accès vers le sud » sera bientôt accepté. - « L’ouest canadien est également bloqué en Colombie Britannique avec celui du Northern Gateway ». Ce projet, consiste en deux réseaux de distribution : un oléoduc pour le pétrole brut et un pipeline pour le gaz naturel. Ils traverseront les montagnes Rocheuses situées dans la province de Colombie Britannique (CB). Il rencontre l’opposition de bandes de Premières Nations, du puissant lobby des environnementalistes, du Nouveau Parti Démocratique du Canada et du gouvernement de cette province qui réclame une partie des royautés que reçoit l’Alberta. Le 17 juin 2014, suite à de nombreuses discussions, le gouvernement Canadien accepta l’avancement du projet conditionnellement à ce que 209 problèmes, identifiés par des comités d’études, soient corrigés avant la prochaine étape d’approbation du projet. On juge dans les milieux bien renseignés que ces conditions seront rencontrées, que la province sera satisfaite et que ce projet sera finalement débloqué. - « Il n’y a que l’ouverture vers l’est par pipeline, ou le transport ferroviaire que les experts disent coûter $20 le baril, qui serait ainsi épargné pour le bénéfice des actionnaires de Total par l’oléoduc ». L’ex-premier ministre Pauline Marois et son gouvernement ont accepté l’oléoduc de l’est. Quant au port pétrolier de Cacouana, pour le ravitaillement des bateaux-citernes vers les pays de l’Europe et de l’Afrique, il reste à vérifier si les complaintes et les arguments de ceux qui s’y opposent sont valables. Il est facile de susciter des sentiments anti-gouvernements, de s’opposer à la construction d’oléoducs, de pipelines, etc… mais encore faut-il démontrer clairement que de tels projets vont vraiment à l’encontre de l’intérêt public. De plus, ce sont tous les actionnaires de tous les producteurs qui bénéficieront de cette ouverture vers l’est. On voit bien que les déclarations de PKP n’ont pas de bases solides. Je soupçonne que le but réel de sa déclaration sur Facebook a été faite rallier, à sa candidature, les séparatistes qui voient « les Desmarais » dans leur soupe ! D’ailleurs plusieurs de ceux-ci, suite à la publication, se sont spontanément exclamés : « déclaration extraordinaire », « super, super », « un vrai chef »… Que PKP se donne comme objectif de séparer le Québec du Canada, c’est son affaire! Mais qu’il se permette, par un court communiqué, de tromper sciemment ses concitoyens sur un projet d’une importance capitale pour tous, est incompréhensible. Çà sent la petite politique ! Et si c’est pour atteindre des ambitions politiques, c’est désappointant. PKP peut vouloir montrer ses muscles à la famille Desmarais, encore faut-il qu’il soit de taille. Paul Desmarais et Pierre Péladeau étaient des hommes d’affaires hors de l’ordinaire qui aimaient aussi se mêler de politique. Tout le monde le savait et les partisans appréciaient. Mais nous sommes dans une nouvelle ère. Les fils Desmarais sont des hommes qui s’occupent de leurs affaires. Si Pierre-Karl Péladeau a préféré quitter le monde des affaires pour la politique, c’est une décision noble et c’est très bien. Mais pour réussir, il se doit d’être juste avec les Québécois et être à la hauteur d’un chef politique. Claude Dupras