Intagrist El Ansary
Cher(e)s ami(e)s,
Si le Sahara vous manque, ou même que vous vous y trouviez, je vous propose une immersion dans mon récit qui vient de paraître, dont le thème central est le grand désert.
Ce texte n’est pas un essai, ni une étude quelconque, mais simplement un hommage personnel, voire intime, à ce grand espace de vie accueillant, un hommage aussi aux peuples qui y vivent en gardant toujours une place très spéciale à l’hôte « celui qui peut arriver n’importe quand ». Les sahariens mettent toujours un point d’honneur comme il se doit d’accueillir des simples passants, ceux qui demandent l’hospitalité, ou encore ceux qui désirent s’installer. Cette tradition ancienne perdure encore de nos jours, malgré la gravité de la situation des temps qui courent et ce qui en résulte comme difficultés dans la vie de ces femmes et ces hommes pris en étau, malgré eux dans des enjeux qui les dépassent.
Titré "Écho Saharien, l'inconsolable nostalgie", le livre est préfacé par l'écrivain Mauritanien Beyrouk. Il s'agit d'un récit de voyage par voie terrestre entre 2009 et 2010. Mon point de départ est Paris. Le sujet profond (Le Sahara) n'est abordé qu'à partir de Ménaka, une ville touarègue, située à 1 500 kilomètres au nord-est de Bamako. Je traverse l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie, avant d'atteindre la capitale malienne et de poursuivre au nord du pays, vers Ménaka.
Oumar Ball Sinaa
Une fois à Ménaka, j'ai poursuivi mon chemin vers le Hoggar (le grand sud algérien), sur la route des djinns pour arriver à Tamanrasset d’où, je rebrousse chemin pour atteindre Tombouctou, cité désertique des savoirs, en passant par Kidal et Gao, empruntant la route de l'imaginaire.
Ce voyage est une réflexion intérieure, personnelle, parfois intime ou poétique, sur la nature humaine toute petite graine de sable dans un immense désert, à la recherche des origines perdues dans la sédentarité, des grands espaces, d’émotions profondes simples et vraies que notre monde « uniforme », fait parfois d’artifices, ne permet plus de percevoir.
L’Écho Saharien est un voyage à la découverte d'une partie de ce grand désert, ces solitudes vivantes, ces espaces dépaysant habités par l'invisible, mais aussi par des femmes et des hommes (Touaregs, entre autres) que je rencontre au fil de ma route. Ils me feront partager leur philosophie de vie, leurs histoires (leur Histoire aussi), leurs cultures, leur beauté, leur poésie.
Ce texte ne fait que très rarement, référence à l'actualité ou au chaos dans lequel cette région est plongée depuis 2012. Je mentionne, cependant, ici et là, (déjà en 2009), des prémices de ce qui allait bientôt arriver...
Je vous joins à ce mail, la Une et la quatrième de couverture du livre.
Je vous salue avec une pensée spéciale à chacun de vous.
Amicalement
Intagrist
Dans le désert la montagne, la campagne, en ville, n'importe où, il m'est vital de marcher. Marcher rejoindre le désert saharien, marcher pour visiter un ami, marcher pour me rendre au travail, marcher pour les courses, marcher pour marcher, marcher, c'est ainsi ! Marcher. Pourquoi ? Pour être libre et exorciser l'existence de ce monde. Jeune, je marchais sans raison. Aujourd'hui, marcher est indispensable.
Un plaisir. Un besoin. Marcher pour "aller à l'essentiel", selon Sylvain Tesson. Marcher pour mieux penser. Marcher pour revenir sur terre. Je ne manque aucune raison de marcher. A Paris, où je laisse l'enveloppe de mes pieds chez le cordonnier, rue des Archives. Marque de mes pas, des heures durant à travers les quartiers des vêtements, du design, des galeries d'art, des livres. Plus d'animations dans les premiers.
Calme et tranquillité dans les derniers, un autre monde, rues et fenêtres qui sourient. Une librairie, un livre exposé d'Ibrahim AI Koni, l'écrivain, le poète Touareg : "La Loi du désert stipule que rester plus de quarante jours à la même place, c'est tomber en esclavage". Liberté perdue en tombant dans la sédentarisation. La retrouver dans le voyage... Poursuivre ma marche en solitaire, avec mon âme.
Ne pas faire partie du lot, même un instant. Emerger enfin, garder ma liberté de pensée pour le départ immédiat ! J'entends l'écho qui interpelle du fin fond de l'espace désertique. L'incantation est là, subite ! Refus impossible. Appel de celui en qui coule le sang du désert. Le Sahara envahit mon esprit. J'entends déjà, intérieurement, le silence qui l'habite. Je pars ! Un retour dans le désert des Touaregs pour retrouver ses racines.
La vie est la terre inconnue des solitudes…
Si j’ai choisis de parler du Sahara, c’est tout d’abord parce qu’il est l’univers de mon enfance. Un univers que l’on recherche sans cesse, en devenant adulte. Ensuite, c’est parce que c’est l’endroit où je me sens en totale liberté, et en harmonie avec moi-même. C’est là que je retrouve mon esprit. Il est difficile, parfois de ressentir de telles sensations, pour un non saharien, sauf si celui-ci fait des longues retraites au désert. Ibrahim Al Koni, l’écrivain de référence, sur le Sahara, disait : « le Désert est un enfer de bonne volonté ».En effet, malgré la chaleur, le vent chaud, parfois la soif, la fatigue, la désolation du grand espace inhabité, je suis happé par le silence, l’immensité, et par cet invisible présent dès les premiers pas, les premiers instants, de marche en solitaire. L’éveil de tous les sens, dès que je mets le pied dans ce Sahara, même si cela ne survient que cinq minutes, après avoir quitté un village, ou une ville en bordure de ce Désert. Ce qui m’a toujours semblé intéressant, c’est de parler à travers cette voix, qui s’accapare de vous, dès que vous pénétrez cet espace de liberté. La voix que le marcheur entend, peu a peu, avant que celle-ci ne devienne gigantesque dans l’esprit, pour l’occuper totalement. C’est cela la profondeur du Sahara, une fois que l’on s’est débarrassé de tous les clichés. Une fois que l’on s’est laissé porter, par l’invisible qui l’habite.
" Le désert est un enfer de bonne volonté "
Je quitte l’aliénation de la ville, du superflu matériel, du vil des hommes, pour me laisser traverser par cette Vérité que «;seul le Sahara » (certainement, aussi d’autres espaces sauvages, comme en montage, en mer ou en campagne) donne à ressentir, à vivre, avant d’entrer dans une phase transcendantale, mystique, voire «;surnaturelle». Une expérience qu’il est si bon de vivre, que je suis presque tout le temps tenté de n’en revenir point, si je n’avais pas le sourire de ma fille, l’appel des miens et de ceux qui me sont chers, qui m’interpellent, pour me ramener «à la raison».
Le point de départ de ce texte est Paris. J’ai vécu « mes années hexagonales », ou hors du Sahara, en général, en état « de somnolence », comme si mon corps était là-où je me trouvais, mais mon esprit toujours ailleurs, dans un autre monde, un monde indéterminé.
À Paris, avant de partir, (durant l’été 2009) je ressentais de plus en plus l’omniprésence de la grande masse des gens, les incessants bruits de la ville, la grande vitesse pour tout, l’inattention ou l’indifférence des humains vis-à-vis de leurs semblables, tout cela devenait peu à peu insupportable, lourd pour moi… Donc je marchais beaucoup à Paris, pendant mon temps libre, quand je rentre de travail, quand j’allais chez des amis, en allant au cinéma, etc., je marchais en fait, pour chercher une délivrance, pour me soulager, m’alléger le cœur…
Mon esprit me quittait, peu à peu, de plus en plus, au fil des ans, et j’avais besoin de le retrouver. Pour moi, il ne pouvait être que dans le calme et la sérénité, donc au Désert… Et un jour, après une marche, je suis revenu chez moi, j’ai pris quelques affaires, puis je suis parti… J’avais foncièrement, affectueusement, mentalement, charnellement, besoin de retrouver cet espace de mon enfance, cette terre aride, « vide », mais qui contient tout à la fois, tout pour moi.
J’avais donc, toujours cet écho qui résonnait en moi, dans ma tête, dans le cœur, il s’en suivait une incommensurable nostalgie, qui devenait de plus en plus forte avec le temps. D’où le choix de ce titre : Echo saharien, l’inconsolable nostalgie.
Aujourd’hui cinq ans près, je suis heureux, rassuré, apaisé, d’entendre le Sahara souffler sans cesse à ma fenêtre…
Beyrouk sur la guerre au Mali
Pourquoi avoir évité de parler des événements politiques ?
« Évité », n’est pas le bon mot, car ce n’était pas un choix délibéré. Le sujet de mon livre ne porte pas sur les évènements qui secouent en ce moment le Sahara central. Cela ne veut pas dire que je suis indifférent à cette réalité ou que je la nie. Non ! Je me sens au contraire concerné par ce qui se passe.
En réalité quand j’ai fait le voyage que je raconte dans ce livre, entre 2009 et 2010, la guerre n’était pas encore déclarée au Mali. Même si ses principaux ingrédients étaient déjà présents sur le terrain, – lors de ce voyage -, il ne manquait plus que la guerre en Libye dont les conséquences allaient déclencher, un peu plus tard, une nouvelle ère de violence au Nord-Mali. A la page 148, de manière tout à fait « anecdotique », le narrateur parle « d’indices qui annoncent des troubles qui allaient bientôt arriver » : « Mais le Sahara, impassible, invincible, majestueux et indépassable, restera éternel. Il “renaîtra” après tout vent, après n’importe quelle aventure hasardeuse, impie ou insolente des hommes à la mémoire courte ».
Même si j’écrivais le texte après – c’est à dire aujourd’hui, par exemple, où il y a deux ans au déclenchement de la guerre au Mali – je trouverais malvenu de parler du Sahara, et des peuples qui l’habitent, avec le seul angle, de ce conflit. C’est très réducteur et même inconséquent vis-à-vis d’eux. Le Sahara, sans idéaliser les choses, est beaucoup trop beau, pour moi, trop fort, pour être réduit, ou décrit, à travers la vision, ou selon l’angle de quelques groupes ou groupuscules armés, qui font leur loi, – pour l’instant – ici ou là. Si je dis «pour l’instant», c’est parce que le Sahara reprendra ses droits, tôt ou tard, c’est sûr.
Le Festival au Désert
par Intagrist El Ansary