Moi : Chloé Réjon ; Une personne : Luce Mouchel ; Lui : Manuel Vallade © Elisabeth Carecchio
Quelque part en Norvège …. C’est l’histoire d’une femme qui s’engage dans une nouvelle relation avec un homme plus jeune qu’elle, une relation fusionnelle, symbiotique. On a l’impression qu’ils vont essayer de s’abstraire complètement de la vie qu’ils ont eue avant : ex conjoint, parents, enfants… Mais ça va être difficile car on ne fait pas ainsi table rase de sa vie passée. La pièce est un huis clos entre les deux amants, avec l’irruption de gens de la vie d’avant : les mères des amants, l’ex conjoint, le fils et la petite fille de l’amante. Ce qui est intéressant chez Lygre, c’est la façon dont tout se construit simplement avec des mots, l’auteur explore le pouvoir et la force des mots. On dit qu’un lit est là et tout à coup le lit est là. Mais c’est le mot qui le fait apparaître. Ces personnages on ne sait s’ils vivent quelque chose ou s’ils ne font que le dire. Ils sont en train d’inventer par les mots ce qu’ils vivent. Par exemple, aucun geste sensuel entre les amants, même les évocations crument érotiques restent au niveau du langage. Paradoxe d’une chose qui a lieu et qui est en train de se regarder avoir lieu. Quand on demande à Lygre si c’est du fantasme ou du réel, il dit « Non mais, tout est réel ! ». La façon dont on parle des choses, c’est ça qui crée la façon dont ne perçoit les choses, c’est ça qui transforme la réalité. Comme dit Lygre, on ne peut se représenter que ce qu’on est capable de s’imaginer et pas forcément ce qui est propre à la personne qu’on a en face. Il explore la destructivité des relations et des projections qu’on peut faire sur les êtres que nous aimons.
Sur scène le couple est formé de Chloé Réjon, comédienne énergique et frémissante et Manuel Vallade, moins convaincant, un acteur plus charnel aurait sans doute été plus pertinent. Citons Luce Mouchel, épatante, qui campe le rôle des deux mères, du fils et de la petite fille ! Sans oublier Jean-Philippe Vidal, émouvant et d’une gravité sensuelle dans le rôle de l’ex mari.
La mise en scène de Braunschweig est magnifique, épurée et en accord avec la stylisation du texte. Une boîte éblouissante, des lumières rasantes et blanches.
La scène finale est sublime, qui évoque le fœtal du liquide amniotique et le fatal de la mort.
Allez-y c’est un très beau texte.
Rien de moi, pièce de Arne Lygre
La Colline
Du 1er octobre au 21 novembre 2014
En tournée à Nancy du 2 au 5 décembre