Comprendre ce qui se passe sur le “Web 2″ : entre prédation de ceux qui savent et sentiment de rejet de ceux qui ne savent pas

Publié le 24 mai 2008 par Lilzeon

Dans un article de Samuel, intitulé “l’arrogance du geek“, on pointe du doigt un clivage entre les “savants”, ceux qui développent des applications, sont fascinés par les derniers outils et les utilisateurs “lambda”, ceux qui utilisent internet de façon moins hardcore, mais qui pourtant en sont le cœur :

“Les geeks seraient-ils les seuls à comprendre le web ? J’en doute ! Ils peuvent en comprendre l’aspect technique, mais pour ce qui est usages économiques sociaux, ils sont parfois loin d’avoir un vue d’ensemble et pire, certains non-geeks peuvent avoir une meilleure appréhension du web, de ses potentialités et de ses impasses.”

François explique même que “les technophiles font mal au web” :

“Mais cela ne va-t-il pas plus loin ? En tenant un discours sur les outils et la technique, les geeks ne contribuent-ils pas à donner une image biaisée d’Internet et du web 2.0 en particulier, et à tenir à l’écart les technophobes ?
Pour moi le propre du web 2.0 est justement de permettre au non-technicien de s’exprimer sur la toile. Bloguer, c’est -techniquement - aussi facile que d’envoyer des mails.”

2 responsables sont pointés du doigt :

  • les apôtres d’un Dieu technologique qui se sentant investis d’une compréhension plus large d’un outil en arrivent à exclure ou mépriser celui qui ne baigne pas dans leur environnement
  • les intégristes anti-modernité pour qui le développement d’un outil de communication est assimilé à un phénomène générationnel. (Imaginons que l’imprimerie ne soit restée perçue que comme une tendance de medieval geeks, où en serait-on ? :p

Finalement, on en revient aux vieux débats entre les acteurs d’un pouvoir naissant et l’ancien ordre, qui se disputent la légitimité du medium :

“Tout cela, ce sont des légitimités qui vont et qui viennent, qui se combattent. Parce qu’il y a divers ordres de légitimité qui se disputent (…). Parce que dans la même légitimité politique, il n’y a pas une légitimité, une pensée. « Ah ! Pensée unique, pensée dominante… » Mais il y a trente-six pensées dominantes ! Tout le monde appelle « pensée unique » la pensée qui n’est pas la sienne. Mais tout le monde dénonce une pensée unique (…). Pensée unique ne veut rien dire pour la description sociologique. Justement, il y a des légitimités, elles se disputent la légitimité, du parler vrai en politique par exemple.” Jean-Claude Passeron

Mais en ce qui concerne le web 2, où c’est avant tout une histoire d’humains parlant à d’autres humains, on pourrait sans doute se replonger dans cet ouvrage de Jean C. Baudet, “De l’outil à la machine, histoire des techniques jusqu’en 1800″ qui, en résumant sa pensée, disait que pour que les technologies puissent se développer, il est essentiel d’apporter «une réponse claire à certaines questions relatives aux unités de mesure et aux techniques de mesurage».

En l’appliquant à internet, arriver à comprendre quelles sources sont pertinentes, lesquelles ne le sont pas : c’est tout l’enjeu de la médiation et de l’éditorialisation des contenus. D’ailleurs, la bibliothèque, lieu d’accès des masses à la culture, où on ne fait plus vraiment que déposer te reprendre des livres, commence déjà à le faire.