Chemin de Croix // De Dietrich Brüggemann. Avec Lea van Acken et Franziska Weisz.
Le propos de Chemin de Croix est très différent de ce que l’on a pour habitude de voir dans des films mettant en scène la religion. De plus, le découpage cherche à faire un parallèle avec le chemin de croix, quelque chose que j’ai beaucoup aimé. Ours d’Argent lors du dernier festival de Berlin, récompensé pour son scénario, il aurait très bien pu rafler à mon humble avis l’Ours d’Or, tout simplement. Car il y a là aussi une vraie maîtrise de la mise en scène et de l’utilisation de ces plans séquence fixes. Parler de religion ce n’est pas facile, mais Dietrich Brüggemann utilise un procédé de mise en scène qui va tout changer, cherchant à nous montrer l’enfermement que vit le personnage de Maria à cause de la religion et du sacrifice qu’elle va vouloir faire. C’est là que l’on peut se dire que finalement la religion tue et que devenir aussi fanatique n’est pas bon pour l’Homme. C’est un film qui fait réfléchir et réagir, qui nous montre à quel point on peut être religieux, avoir envie de donner sa vie à Dieu, et finalement tomber dans les effets pervers. Le choix des plans séquences fixe est tout aussi troublant. Le film est donc une succession de 13 plans séquences fixes et d’un 14ème plan séquence concluant le film, sobrement, mais tout en nous montrant que Maria est enfin libre.
Maria, 14 ans, vit dans une famille catholique fondamentaliste. A la maison comme à l’école, son quotidien est régi par les préceptes religieux. Entièrement dévouée à Dieu, elle n’a qu’un rêve : devenir une sainte. Suivant l’exemple de Jésus, elle entame son propre chemin de croix dont rien ni personne ne peut la détourner.
Ce qui force le respect dans Chemin de Croix c’est avant tout l’utilisation de la sobriété. La mise en scène ne se fait donc pas dans la fioritures. Après tout, le plan fixe est quelque chose de très simpliste mais ce qui s’avère simple à l’écran est en fait quelque chose de bien plus complexe qui permet au spectateur d’apprécier encore plus les dialogues. La caméra ne cherche pas à nous montrer autre chose, on est donc comme pendus aux lèvres des actrices et acteurs. Petit à petit le film prouve aussi sa modernité. C’est un film très actuel, qui cherche à démontrer l’influence néfaste que peut avoir la religion sur des enfants, facilement influençable, encore plus quand ils sont dans une famille de fanatiques religieux. Car c’est ça finalement le fin mot de l’histoire. On a une jeune fille qui a envie d’être libre, peut-être même de passer du temps avec un garçon qui lui plaît qui semble en plus de ça avoir lui aussi un penchant religieux, même s’il se range du côté protestant. Le fanatisme religieux c’est tout de même quelque chose d’horrible, surtout quand c’est chez une jeune fille de 14 ans que le propos est traité.
Mais c’est aussi ce qui rend Chemin de Croix si ambitieux. Bien évidemment que Chemin de Croix ressemble pile poil au film que l’on aurait envie de récompenser dans des festivals et je sais que cela peut poser un problème à certains spectateurs sauf que ce film est tout de même bien plus que ça. Il a pour but de dénoncer quelque chose et il le fait de façon brillante. Comment ne pas être ému par Lea van Acken qui, au travers de son jeune âge, prouve ici qu’elle est tout simplement une actrice en devenir avec un chemin déjà tout tracé vers le succès (je l’espère en tout cas car elle le mérite amplement). La mise en scène de la religion n’est pas quelque chose de simple, notamment car l’on peut rencontrer tout type de personnes qui peuvent autant détester qu’adorer ce film par son pamphlet. Le cinéma allemand sort aussi un peu de ses classiques et cherche donc à bousculer les pensées. On ressent par ailleurs Michael Haneke au travers de la mise en scène très sobre, très fixe. Peut-être était-ce le but. Mais le cadre, comme un peu pour Mommy, est surtout là pour démontrer que notre petite héroïne est enfermée dans un monde dont elle ne pourra sortir qu’à l’issue du chemin de croix.
Note : 10/10. En bref, brillant.