L’oncologie est une carrière exceptionnellement enrichissante, mais peut être une spécialité exigeante et stressante, explique le Dr Susana Banerjee, auteur principal de l’étude : « Les oncologues doivent prendre des décisions complexes concernant la gestion du cancer, face à des patients qui souffrent et meurent, superviser la surveillance de thérapies toxiques, le tout sur de longues durées de travail. L’administratif et les difficultés économiques s’ajoutent aux difficultés de la spécialité : Les jeunes oncologues sont confrontés à une augmentation des plaintes, des contraintes administratives médico-légales, et à des ressources humaines réduites. Des facteurs qui, ensemble, concourent à un risque élevé d’épuisement professionnel « .
L’équipe a interrogé 595 oncologues, âgés de moins de 40 ans, issus de toute l’Europe. Leur analyse conclut que 71% d’entre eux souffrent de symptômes d’épuisement professionnel. Les conséquences évoquées sont l’anxiété, la dépression, l’alcool ou la toxicomanie, voire le suicide, sans compter les conséquences professionnelles ou sur l’exercice professionnel. Ainsi, certains oncologues qui souffrent d’épuisement professionnel vont quitter la pratique clinique plus tôt, avec un impact possible sur les équipes et les systèmes de santé.
L’oncologie, une spécialité en danger ? Pas de la même manière partout en Europe. Car l’enquête montre une disparité considérable des taux d’épuisement selon les pays, avec les plus élevés constatés en Europe centrale, affectant jusqu’à 84% des oncologues et les plus faibles en Europe du Nord dont au Royaume-Uni, où un oncologue sur 2 déclare des symptômes de burn out.
D’autres facteurs impactent le risque d’épuisement: Un mauvais équilibre entre travail et vie personnelle, l’insuffisance de vacances ou de repos, le célibat ou l’absence d’enfants augmentent le risque. Des facteurs liés à l’exercice jouent aussi, comme la taille de l’établissement ou de l’équipe, le nombre de patients et l’accès aux services de soutien. Les auteurs soulignent que ces facteurs pourraient être contrés, au niveau des établissements, par des ouvertures à la pratique clinique par la recherche, l’enseignement et l’encadrement d’étudiants.
Oncologue homme ou femme, qui est le plus affecté ? Bien qu’il n’y ait pas de différence significative de niveau d’épuisement professionnel entre les hommes et les femmes, les hommes présentent des scores de « dépersonnalisation » plus élevés que les femmes (60 vs 45%).
Reconnaître l’ampleur et la portée du problème est la priorité pour les auteurs qui espèrent pouvoir initier des mesures, à travers des associations professionnelles comme l’ESMO. L’appel est donc à de nouvelles stratégies qui mettent l’accent sur la récupération et la prévention de l’épuisement professionnel pour la spécialité, la promotion d’une philosophie de l’équilibre travail et vie personnelle, et l’accès aux services de soutien pour ces médecins. Le bien-être de l’oncologue « au travail », concluent les auteurs, a des implications évidentes sur la qualité des soins aux patients, une qualité qui repose tout particulièrement dans la spécialité sur une disponibilité mentale nécessaire à l’ouverture sur l’évolution constante des thérapies.
Source: European Society for Medical Oncology (ESMO) A pan-European survey on the work conditions of Young Oncologists et Annals of Oncology (Communiqué) More than 70 percent of young oncologists in Europe suffer symptoms of burnout