L'art est aussi le jouet de la propagande. Très vite, les papes l'ont compris mais à en voir leurs musées, ils se sont peut-être inspirés de leur collection. Car ces princes de la Renaissance et la ville de Rome, plus que toutes les autres républiques et royaumes réunis, développaient une passion dévorante pour l'Antiquité, en particulier l'empire romain. Parmi les plus belles oeuvres à la gloire des empereurs, celle du premier, Auguste nous saisit toujours aux trippes par le charisme qu'elle dégage.
Moi, empereur
Pourquoi dans le top 10? Lart au service de la politique
Cette statue en ronde bosse n'est autre que la représentation du premier empereur romain, Auguste (27 avant JC- 14 après JC). Petite rectification pour tous ceux qui le penseraient encore, Jules César n'a jamais été empereur et Auguste est son petit neveu et fils adoptif. Il participera à stabiliser l'empire romain et continuera les conquêtes. Ici, dans cette sculpture, on veut à tout prix installer le régime de l'empire et rappeler à chacun les pouvoirs immenses de l'empereur.
Le doigt et le bras en avant, Auguste s'adresse ici à son immense empire comme savent si bien le faire les orateurs. Auguste est un empereur, donc un personnage par comme les autres dont le destin est intimement lié aux dieux. C'est pourquoi ici le dieu Apollon, celui du Soleil, soulève le voile de nuit sur la cuirasse et qu'Auguste est représenté pieds nus, à l'instar des statues grecques classiques qui représentaient les dieux ainsi en sculpture. Mais c'est aussi et surtout l'amour au pied droit d'Auguste, le petit cupidon ailé, qui mélange le sang des empereurs à celui de la puissance des dieux. Les Amours sont les symboles de la déesse Vénus (Aphrodite en Grèce) et d'après la légende, les empereurs romains et même César descendraient d'un des héros de la guerre de Troie, Enée descendant des amours de Vénus. D'ailleurs, les empereurs sont divinisés après leur mort, à l'exception de trois dans l'histoire de l'empire. Il faut aussi ajouter que les empereurs sont les maîtres du culte et qu'ils sont au sommet du pouvoir religieux, étant les Grands Pontifes.
Sur ma cuirasse, il y a mes super pouvoirs.
Comme je vous l'avais précisé en introduction, Auguste était un homme de conquêtes et en dehors de son pouvoir politique et religieux, son pouvoir militaire était lui aussi très important. Accédant au titre d'Imperator, il est le chef des armées. Ce rôle est ici mis en avant par la cuirasse gravée et le manteau enroulé autour de lui. Ce manteau est un manteau militaire, appelé le paludamentum, symbole du chef de guerre. Il faut zoomer aussi un peu plus sur la cuirasse pour comprendre que l'empire romain est le plus fort. Sur le côté droit, les puissances d'Occident s'inclinent devant l'empire, en particulier la Gaule et les provinces ibériques, récemment annexées. Sur celui de gauche, il s'agit des provinces d'Orient. Mais surtout au centre, il fallait laver un affront: celui occasionné par les Parthes. En 53 avant JC, les Romains avaient été défaits à Carrhae en Syrie par ce peuple qui ne voulait pas se soumettre aux Italiens. Mais au delà de la défaite, les enseignes de l'armée romaine avaient été prises par ce peuple d'Orient. Cela constituait une véritable humiliation et c'est 30 ans plus tard, qu'Auguste, par la voix diplomatique, réussit à récupérer ces symboles de la légion romaine.
Quant à l'art en tant que tel, l'art romain puise ici dans les racines de l'art grec classique avec la représentation pieds nus. On s'inspire du Doryphore de Polyclète. Et comme la statuaire grecque, il faut arrêter de penser qu'elle n'était que de marbre car on a retrouvé des pigments de couleur sur la statue. L'Antiquité est encore et toujours une époque d'influences et d'échanges.
La statue comme elle aurait pu être à l'origine