Richard Rognet, auteur d’une vingtaine de recueils (dont Petits poèmes en fraude, 1980 ; Recours à l’abandon, 1992 ; Seigneur vocabulaire, 1998 ; Belles, en moi, belle, 2002 ; Un peu d’ombre sera la réponse, 2009), nous offre, en effet, dans Dans les méandres des saisons, le texte lyrique d’une longue « conversation », sobre et énergique, avec ses pudeurs et ses regrets, la simple et émouvante parole viscéralement vécue d’une promenade « sentimentale et naïve » (dirait Jean-Claude Pinson) dans les sentiers inexistants du temporel et du fini – avec leurs fleurs et arbres, leurs abeilles et oiseaux qui, toujours, hantent et accompagnent ce dialogue (avec le bien-aimé, nécessairement, ajouterait Rûmi) devenu monologue intérieur, chant d’adieu et salut de loin et de très près, inséparablement. Si Richard Rognet cite en épigraphe le Francis Jammes du Deuil des primevères, c’est sans doute pour plonger à la fois dans l’atmosphère automnale des plantes qui commencent à se décomposer tout en préparant leur si lente et inimaginable réapparition. Fernando Pessoa figure aussi, emblématiquement, l’épigraphe venant, presque inévitablement, de son Livre de l’intranquillité ; mais la troisième épigraphe, qui ouvre le deuxième volet de ce recueil bipartite de Richard Rognet, me paraît la plus richement pertinente, étant le texte de l’amour et le signe le plus puissant de cela qui, au sein de tout poïein, transcende manque, absence et désir, excède quelque part tout signe de mélancolie, et, ce faisant, installe à leur place ce « minuscule monument de l’âme » qui est acte de présence et musique de l’ineffable mystère de ce qui a été-est-sera.
[Michael Bishop]
Richard Rognet. Dans les méandres des saisons. Gallimard, 2014.