Les éditions Nobi Nobi sont une maison d’édition jeunesse spécialisée dans les ouvrages venus du Japon. Outre ses magnifiques albums, ils ont récemment ouvert une nouvelle collection consacrée aux classiques de la littérature jeunesse adapté en manga. J’avais déjà eu l’occasion de me pencher sur ce genre d’initiative aux éditions Soleil Manga et j’ai été ravie de réitérer l’expérience.
Tout d’abord, j’ai salué la qualité des objets-livres. La couverture glacée est accompagnée d’un joli ruban marque-page et les premières pages en couleurs font un prologue alléchant, en reprenant une partie-clé de l’intrigue.
Le Capitaine Crewe élève seul sa petite fille de sept ans, Sara. Obligé de mener l’exploitation d’une mine de diamants aux Indes, il la confie à un pensionnat de jeunes filles en Angleterre, sous la houlette de Miss Minchin. La petite fille fait alors une promesse à son père: tout faire pour devenir une lady, une dame de la bonne société qui prend soin des autres et leur donne de l’espoir, une vraie princesse. Sa gentillesse à l’égard de tout le monde en fait rapidement une pensionnaire très aimée, et elle se lie même d’amitié avec Becky, la jeune domestique, à qui elle aime raconter des histoires fabuleuses. Mais elle apprend soudain la ruine et la mort de son père. Tout bascule alors: elle doit travailler elle-même comme domestique dans le pensionnat pour avoir le droit d’y rester. Sarah n’a pourtant pas oublié la dernière chose que voulait son père: qu’elle se comporte toujours comme une princesse.
Bon, l’histoire est clairement devenue un cliché, surtout qu’elle a déjà été adaptée en manga dans les années 80. Elle est un mélange de Charles Dickens et de Cendrillon. Il s’agit donc bien d’une histoire pour la jeunesse, qui mélange conte de fée et réalisme sociale. Sara est en effet une incarnation de la perfection, puisque tout le monde l’adore, elle est gentille, généreuse, intelligente et finit même pardonner des cours aux autres pensionnaires tant elle est instruite. Il faut au moins ça pour faire ressortir l’injustice de sa disgrâce: haillons, mendicité, famine, corvées, tout y est. La morale y est aussi très claire: si tu es gentille, lorsque tu seras dans le besoin, tes amis reviendront vers toi et la fortune te sourira à nouveau (dans tous les sens du terme).
Ce qui est bien plus intéressant, c’est la manière dont le mot “princesse” est redéfini, puisque Sara précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’une noblesse de titre ou financière, mais d’une noblesse de coeur qu’elle place au-dessus de tout et qui lui permet d’être fidèle à son père (même si à la fin, c’est quand même l’argent qui résout beaucoup de chose, ne nous voilons pas la face). C’est aussi l’immense force de l’imagination qui est mise en avant: même au plus bas, Sara se persuade qu’elle est une princesse, et s’imagine prisonnière d’une bastille pour mieux supporter sa mansarde et ses corvées.
Les dessins utilisent tous les ressorts du manga traditionnel, qu’il s’agisse des robes de princesses qui volent au vent, des grands yeux brillants de Sarah ou des petits personnages stylisés pendant les petites touches d’humour ou les moments embarrassants. La lecture est donc très agréable et facile.
Le jeune D’Artagnan quitte ses parents et sa Gascogne natale pour devenir mousquetaire à Paris. Son père lui a donné un conseil: ne pas oublier d’où il vient et ne pas se laisser marcher sur les pieds. D’ailleurs, à peine débarqué à Paris, il ne cesse de monter le ton face à tous ceux qui osent le regarder de travers, et provoque en duel à tout va. Le voilà bientôt opposé à trois Mousquetaires particulièrement farouche et bons vivants: Athos, Portos et Aramis. Heureusement, il suffit d’un affrontement avec les hommes du cardinal de Richelieu pour rabibocher les quatre hommes et placer D’Artagnan sous la protection de ses nouveaux camarades. Mais dans l’ombre, le cardinal fomente un complot pour écarter la reine Anne et affermir son emprise sur le roi. C’est la jolie Constance, lingère de la reine et logeuse de D’Artagnan, qui l’appelle à son secours.
Les dessins sont plus gouailleurs, plus expressifs aussi que dans le précédent. La coupe de cheveux de D’Artagnan contribue largement à faire de lui un gamin intrépide et un peu tête à claque, assez fidèle au personnage de Dumas. Les personnages sont d’ailleurs bien campés, avec des physiques clairement identifiables en fonction du caractère et du rôle qu’ils jouent. La meilleure exploitation de ces dessins se situe dans les scènes de bagarres à l’épée, particulièrement intenses et piquantes, qui ont la part belle et mettent grandement l’accent sur l'aventure pour dresser le portrait d’un D’Artagnan audacieux et brave. On ne s’ennuie pas du tout donc et le héros est très attachant.
Contrairement au précédent, j’ai pu comparer avec le roman qui fait partie de mes monuments chéris et vénérés. Et je dois avouer que j’ai été plutôt déçue de l’adaptation, car bien des choses ont été supprimées. Bon, d’accord, sur le pavé de Dumas, on ne pouvait pas tout garder et je comprends très bien pourquoi les polissonneries de D’Artagnan avec Ketty ou Milady n’ont pas leur place dans un ouvrage pour enfant. J’ai toutefois regretté que l’histoire d’amour entre Constance et D’Artagnan par exemple, LA romance de l’histoire, soit à peine abordée. Toute la fin de l’histoire est d’ailleurs particulièrement vite traitée: comme si on avait pas pu se résoudre à passer sous silence la dernière partie de l’histoire, elle est résumée dans les dernières pages, ce que je trouve un peu dommage.
J’ai donc beaucoup apprécié ces lectures, qui restent de très beaux livres pour enfant et qui ont le mérite de faire redécouvrir les histoires universelles du patrimoine. De plus, malgré mes critiques, je dois reconnaître qu’elles font un véritable effort de fidélité aux oeuvres originales tout en leur donnant un joli coup de jeune sur le plan graphique. Néanmoins, en préparant cet article, je n’ai pu m’empêcher d’observer que mises côte à côte, les couvertures de ces deux premiers livres de la collection font beaucoup penser à un visuel “livre pour fille/livre pour garçon” et en cumulent tous les stéréotypes. J’espère qu’il ne s’agit là que d’un mauvais hasard parce que bon, moi, D’Artagnan, ça reste mon héros et je me sens un peu flouée.
La note de Mélu:
Un grand merci aux éditions Nobi Nobi pour cette très jolie découverte.