L’utilisation des données mobiles pourrait être la clé pour des recensements de population plus précis et plus efficaces.
Pour effectuer des cartes de recensement des populations, les techniques du sondage sont encore aujourd’hui les plus utilisées. Mais face à des modes de vie de plus en plus nomades et la lenteur des questionnaires écrits ou téléphoniques, la nécessité de trouver un nouveau modèle devient criant. C’est cet objectif qu’ont poursuivi les recherches d’une équipe internationale de mathématiciens, de statisticiens et de géographes menée par l’Université catholique de Louvain en Belgique et l’Université libre de Bruxelles. Leur but a été de trouver une méthode qui remplace les sondages utilisés jusqu’ici au lieu de les accompagner. Ils ont pour cela récolté les données de géolocalisation des appels passés par 19 millions d’utilisateurs en France et au Portugal pour établir des cartes de population grâce aux antennes relais. Ils ont ensuite comparé ces cartes à celles obtenues via les méthodes traditionnelles par l’Insee et par l’Institut de statistiques du Portugal.
Vers plus de précisions et des coûts réduits
Les résultats obtenus grâce aux données des téléphones mobiles sont aussi précis que ceux des instituts nationaux. La méthode semble donc faire ses preuves et apporte un atout considérable par rapport aux sondages : l’instantanéité. Les données peuvent être mises à jour très régulièrement et pour beaucoup moins cher que les envois de formulaires de recensement par exemple. “Les données anonymes des téléphones peuvent être examinées pour visualiser les changements qui ont lieu de façon quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle au niveau d’un pays entier. Cela avec un coût moindre et une plus grande flexibilité.” explique le géographe Andy Tatem. D’autant que la prolifération des téléphones mobiles ne pourrait qu’accroître la précision. Les chercheurs assurent même pouvoir connaître les revenus des utilisateurs anonymes grâce à leur relevé téléphonique. Mais cela pourrait être une des limites du projet. Bien qu’il permette de saisir les foyers d’habitation et les mouvements de population, il ne semble pas en mesure d’avoir plus de détails démographiques en terme de classes âge, de professions, etc.
Des applications variées
Cela dit, grâce au coût réduit et à la rapidité, la méthode proposée par l’équipe internationale pourrait permettre d’obtenir des cartes de population dans des pays en développement. Ceux-ci n’ont pas toujours développé d’instituts de statistiques et les données mobiles aurait l’avantage de la facilité. De plus, connaître les mouvements des populations au jour le jour peut avoir d’autres applications. Les chercheurs envisagent notamment les cas d’urgences sanitaires, climatiques ou politiques. Lors de ce type de situations, les autorités auraient un besoin rapide de cartes démographiques afin de s’organiser au mieux. Outre ces situations catastrophes, l’utilisation des données mobiles pour cerner les déplacements humains avait déjà été envisagé pour lutter contre les épidémies par exemple. En Allemagne on envisageait même il y a deux ans l’étude des e-mails pour déterminer les flux migratoires. Les sondages et les recensements sont donc en proie à de profonds changements qui bouleversent des méthodes bien installées.