J’ai été interviewé par Constant Calvo, Dirigeant Fondateur d’Adhère RH.
Si la réduction des coûts est un passage obligé aujourd’hui, une des voies de la pérennité de l’entreprise, c’est aussi un moyen puissant de redonner pouvoir et initiative à chacun, c’est manager responsable et assurer des emplois durables
Retrouvez le tester intégral de l’interview ici ou en téléchargeant le pdf sur le site d’Adhère RH
Interview Thierry PACE
Nous avons rencontré Thierry Pace, Ingénieur de formation, Consultant Expert en Organisation, Management de Projet, Accompagnement du Codir, Management stratégique, Coaching des dirigeants. Il a bien voulu répondre à nos questions sur la Réduction des Coûts.
La réduction des coûts est par les temps qui courent, avec la gestion des risques, devient une priorité des entreprises, qu’elles soient petites, moyennes, ou grandes. Pourquoi selon vous ?
La concurrence met les prix de vente sous pression et les clients, donc le chiffre d’affaires, sont plus volatils, les marges plus serrées. Il faut donc abaisser le point mort pour faire face durablement. C’est une manière de se préparer à faire face à des imprévus.
Limiter les frais fixes dont font partie les coûts de fonctionnement et les pertes sur aléas, maîtriser ses processus donc ses coûts devient une démarche standard des entreprises.
D’autre part, la réduction des coûts permet de répondre à la baisse des prix de vente sans rogner sur la marge. C’est préserver l’entreprise que de s’engager dans cette direction.
Le terme « réduction des coûts » a souvent du point de vue des salariés tout au moins une mauvaise connotation. Qu’en pensez-vous ?
Je comprends bien cette réaction. Je dois y répondre régulièrement.
Eviter les gaspillages, orienter l’activité sur la valeur ajoutée, vraiment collaborer dans un bon esprit répond toujours au besoin … Quand on s’y attaque suffisamment tôt, pendant qu’il y a des marges de manœuvre.
Travailler une question permet à chaque fois d’avoir du résultat. C’est systématique !
Le cost killing a fait beaucoup de mal à cette démarche et les salariés ont payé un lourd tribu à la réduction des coûts. Les coupes budgétaires rapides sont autant de bombes à retardement. Les licenciements ne sont pas la seule réponse et de très loin ! La responsabilité en appartient à la fois aux dirigeants et aux salariés. Les premiers sont parfois enfermés dans leur raisonnement et n’écoutent pas les signaux d’alerte très souvent donnés par leurs salariés. Ceux-ci restent trop dans leur fonction, dans une certaine « bureaucratie mécaniste », en attendant les décisions de leur hiérarchie. Ce défaut de dialogue ne permet pas de bonnes décisions des dirigeants qui manquent d’information sur la réalité terrain et les salariés se méfient de plus en plus de leurs chefs… Parce que leurs décisions sont mauvaises. Des études ont été faites sur le sujet. Les salariés ont un devoir de remonter des informations… Et les chefs de les écouter (ce qui est différent de tout accepter, bien sur). J’appelle ça manager son chef. Vous n’aimez pas ses décisions ? OK. Vous faites quoi pour qu’il en prenne d’autres ?
Mesdames et Messieurs les chefs, le pendant de l’initiative de vos équipes c’est qu’ils peuvent vous dire non. Il faut apprendre à écouter et à gérer ça, les résultats sont très probants. Et puis, pensiez-vous avoir toujours raison ?
Finalement la méfiance des salariés vient beaucoup de ce qu’ils ne sont pas assez des acteurs de la réduction des coûts et qu’ils en subissent les effets.
Y-a-t-il des effets pervers à une politique de réduction des coûts, lesquels ?Une politique de réduction des coûts est au service d’une stratégie. Elle ne la remplace pas !
Je me rappelle un grand groupe pour lequel j’ai travaillé qui, pour réduire ses coûts a remplacé les RH par des ordinateurs. Le produit de cette entreprise c’était un concentré de matière grise… Qui a fui. Les erreurs de ce type ont été multipliées et le groupe a disparu
J’ai aussi rencontré une entreprise qui a singé la politique du fournisseur unique très profitable dans l’automobile. Elle a oublié que ni ses fournisseurs, ni ses équipes n’étaient prêts à travailler suivant ce principe. Elle a oublié qu’il a fallu 30 ans d’évolution à l’automobile pour parvenir à cet effet bénéfique. Bien sur le résultat a été mauvais et très nuisible à une grosse usine qui a fermé.
Ca revient à vouloir monter au 1er étage d’un immeuble en sautant depuis de rez de chaussée. Il faut dessiner l’escalier et le prendre marche par marche
Un progrès est toujours possible. Il faut déterminer s’il est réalisable par les équipes en place et dans le contexte de l’entreprise.
En fonction de la stratégie, il faut déterminer ce qui peut, doit être réduit en mesurant les risques associés et ce à quoi il ne faut pas toucher.
Pour revenir à la question précédente, vous voyez bien que ces points sont du ressort de la Direction
Au delà des erreurs de jugement, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Les effets pervers d’un plan social se feront sentir quand l’activité reprendra, quand les compétences dont on s’est coupé manqueront. Combien d’entreprises ont du rappeler des préretraités. Comment recréer une ambiance de travail correcte et productive après ce plan social, quand tout le monde se demande qui sera le prochain.
Il faut se méfier des solutions toutes faites et qui fonctionnent dans toutes les conditions… Selon leur promoteurs
En quoi une politique de réduction des coûts peut-elle être bénéfique à l’entreprise ?
Je retourne ma dernière réponse : bien pensée, la réduction des coûts apporte une baisse du BFR et fédère les équipes.
La réduction des coûts, c’est fermer tous les robinets qui fuient et sans qu’on y prenne garde.
C’est aussi passer le message que tout le monde est concerné par ces fuites et n’a pas le droit de fermer les yeux. Demandez à un salarié s’il préfère ce type de responsabilité ou être licencié.
Au plan financier et à court terme, c’est un élément qui va lui permettre de résister aux pressions du marché.
A plus long terme, c’est la création d’une culture du progrès et de l’évolution. Tous ensemble, chacun à sa place. Une fois cette notion intégrée, l’équipe se charge spontanément d’aider un de ses membres en difficulté, de réguler ceux qui s’écartent.
Enfin, c’est un cliché de dire que notre monde bouge tout le temps. Il faut préparer l’entreprise à pouvoir affronter cette réalité. Les organisations doivent être suffisamment agiles, chaque salarié doit avoir intégré le fait que ses tâches quotidiennes se modifieront demain. C’est ça la normalité aujourd’hui !
Dans les années 50, les structures étatiques et le privé avaient des productivités respectives très proches l’une de l’autre. La trop grande stabilité des structures publiques, la trop grande permanence des équipes dans ces structures, sans pression suffisante pour qu’elles évoluent, ont creusé un écart colossal aujourd’hui.
En quoi une politique de réduction des coûts est-elle stratégique ?
Les moyens des entreprises, mêmes grandes, ne sont pas illimités. Il faut donc choisir comment et où investir et dépenser… Et où éviter de le faire.
Pour une start-up, les dépenses marketing pour faire connaître son produit innovant sont sans doute à conserver. Elle doit conquérir des parts de marché. Idem pour la R&D pour mettre au point le produit. En revanche, elle ne peut pas investir en même temps sur son outil de production et doit faire appel à des partenaires pour rester compétitive et que les financeurs la suivent.
Telle autre entreprise a des enjeux importants en matière de supply chain. Elle doit réduire ses stocks, son temps de cycle de production. L’enjeu est sur le coût des stocks et le BFR généré par la durée du cycle de production. Il faut investir sur l’équipe qui gère ces éléments pour produire l’économie voulue, la performance voulue. Le marketing verra ses budgets revus pour ne consacrer que le juste nécessaire.
La question se pose de la même façon pour une entreprise de service. Je reprends l’exemple de la supply chain en le transposant à la chaine de tâches de production du service vendu. C’est bien le lien entre les acteurs qui définit la performance. Raccourcir les temps de production, c’est augmenter la capacité de production sans investir plus. Travailler suivant un schéma établi, connu, accepté, c’est éviter des erreurs. Le client y sera sensible. « Celui-là, il est peut-être un peu plus cher mais je lui passe la commande et je peux dormir sur mes deux oreilles, j’aurai ce que je demande comme je lai demandé. Je continue à travailler avec lui ! ». Fidéliser ses clients est plus facile que d’en conquérir de nouveaux. La politique de réduction des coûts permet de progresser là-dessus aussi !
Quels sont les résultats attendus à court, moyen, et long terme, d’une politique de réduction des coûts ?
J’ai partiellement répondu. L’entreprise est un outil économique. Tout se ramène donc à des considérations financières.
Réduire les coûts c’est donc d’abord réduire son BFR et son point mort, le chiffre d’affaire qui permet d’amortir les coûts fixes et au-dessus duquel on commence à faire du bénéfice.
A un terme plus long c’est doter l’entreprise des structures qui lui permettront de produire du progrès continument pour faire face au futur qui est par nature incertain.
Chacun sait que des progrès de productivité ont été fait grâce à l’automatisation, à la robotisation, aux ordinateurs.
Il faut continuer à faire des progrès. On a donc réduit les effectifs. Cependant, il faut continuer à faire des progrès.
Il faut maintenant s’occuper des effectifs présents pour qu’ils produisent mieux. Leur éviter des travaux inutiles « parce qu’ici on a toujours fait comme ça », imaginer des processus, des modes de relation qui évitent les déperditions, les tâches pénibles physiquement et moralement. Quelqu’un qui est fatigué ou stressé voit sa performance diminuer. Le stress est inhibiteur de performance ! Faut-il le démontrer ?
Quels sont les postes prioritaires d’une politique de réduction des coûts ? On parle souvent des Achats.
Les Achats sont une source de revenus importants. Chaque Euro gagné c’est un Euro de marge nette en plus. Soit.
2 remarques cependant :
- C’est une remise en cause profonde de la conception des produits et des services achetés qui fera la différence. La seule négociation fournisseur a des effets très limités.
- Pour que le résultat se voie dans la bottom line, il faut que les Achats représentent une part importante du compte de résultats.
De nouveau, c’est une analyse de la comptabilité et de la stratégie qui permet de voir sur quels éléments travailler. Pas de recette toute faite !
Dans l’automobile, les Achats sont très travaillés. C’est néanmoins la partie visible. Les processus de conception sont très au point, la supply chain aussi, les outils de productions également. C’est de la haute performance à tous les niveaux dans tous les services. C’est le résultat de décennies de travail de tout un secteur d’activité.
Il faut commencer un jour pour en arriver là, et, comme je l’ai dit plus haut, les résultats des premiers travaux sont toujours très spectaculaires et très rémunérateurs. La question est de savoir débuter l’action alors que tout le monde est ignorant de la démarche. Cette impulsion initiale est déterminante sur le résultat. Il faut vraiment y prendre garde et avoir, à cette étape, des ambitions raisonnables et en adéquation avec la capacité de réalisation de l’équipe en place. Il va falloir dessiner la courbe d’apprentissage, la success story. L’ambition grandira avec l’équipe et l’accumulation des résultats.
Pouvez-vous nous donner un exemple de résultats obtenus dans le cadre d’une politique de réduction des coûts appliquée à l’absentéisme par exemple ?
L’absentéisme est un indicateur courant des entreprises. Il est révélateur d’une ambiance générale. Les causes sont plus difficiles à percevoir.
Dans une de mes missions, L’entreprise m’a demandé de travailler avec des responsables de production pour qu’ils soient plus managers, qu’ils aient plus d’initiative. J’ai demandé et obtenu que la mission soit étalée dans le temps pour donner à ces middle managers le temps de se comporter et de décider différemment, de vivre les résultats, d’y réagir et, finalement, d’acquérir de nouveaux automatismes. Ils ont très bien travaillé : ils se sont créé de nouveaux outils techniques de gestion de la maintenance, de mode de fonctionnement avec le planning de production, de leur emploi du temps. Ca leur a donné plus de pertinence dans leurs relations avec leur hiérarchie et avec leurs équipes. Les opérateurs ont vu des décisions plus adaptées à la réalité terrain, se sont sentis plus entendus. La hiérarchie, qui a constaté des résultats a mieux répondu aux demandes de ces middle managers et ceux-ci ont gagné en légitimité auprès des opérateurs et les résultats ont encore progressé.
Et l’absentéisme là-dedans ? Et bien, en même temps que la mission s’est déroulée, que les résultats ont été produits, que les managers ont évolué, que l’ambiance s’est améliorée dans les ateliers, il a régressé.
En fait, l’absentéisme c’est un message à capter, un indicateur révélateur. Le plus gros de la non-productivité se trouve dans ceux qui restent présents avec un niveau de performance très bas : c’est à ça qu’il faut s’attaquer !
La réduction des coûts est-elle compatible avec l’engagement RSE de l’entreprise, notamment avec une politique de développement des ressources humaines durable ?
La réponse est oui sans aucun doute !
La réduction des coûts c’est du management responsable : quels emplois sont durables si on accepte de fait des pertes non contrôlées ? C’est aussi redonner du pouvoir à tout un chacun dans l’entreprise, c’est plus d’écoute, c’est plus de dialogue. C’est agir avant de devoir couper les effectifs. C’est vraiment une convergence d’intérêts : la fameuse relation « win-win ». Ca se traduit par moins de RPS parce que chaque salarié est considéré, respecté et qu’il agit dans un cadre donné celui d’une stratégie d’entreprise. C’est donc plus de résultat financier aussi. N’oublions pas que c’est nécessaire aux entreprises.