Après des mois de controverses et de manifestations, des engins commencent lundi 1° septembre à déboiser la zone du futur barrage de Sivens. Ces travaux suscitent alors des échauffourées entre forces de l'ordre et opposants au projet, ce qui conduit Gérard Onesta (EELV), vice-président du conseil régional de Midi-Pyrénées, à lancer " un appel solennel à Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, pour qu'elle décide un moratoire, alors que les grosses machines entrent en action et créent une situation irréversible ". Le dimanche 7 septembre à Rochefort, la ministre de l'Écologie déclare : " Je demande à ce que le Conseil général du Tarn vérifie que les conditions que le ministère met sur les retenues de substitution soient remplies. [...]Les instructions du ministère sont d'encourager les retenues de substitution à condition de ne pas encourager l'agriculture intensive ".
À cette fin, elle charge Philippe Quevremont, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, et Nicolas Forray, inspecteur général de l'environnement, membres du Conseil général de l'environnement et du développement durable, d'une " mission d'expertise permettant de s'assurer de la qualité et de l'ambition du projet de territoire et des mesures compensatoires visant à préserver la biodiversité du site, en accord avec le président du conseil général du Tarn ". Philippe Quevremont, qualifié d'expert pro-irrigation, qui avait été le maître d'œuvre du " Rapport Martin " qui prônait en juin 2013 une relance massive des retenues collinaires, estin extremis remplacé par Pierre Rathouis. Cet épisode m'inspire plusieurs questions : pourquoi, après des mois de contestation, a-t-on attendu le début du déboisement pour ordonner une mission d'expertise ? Qui a choisi les experts ? Qui s'est aperçu du soupçon de partialité qui pouvait peser sur l'un des experts choisis ? Le but de cette mission était-il réellement de déterminer l'intérêt de ce barrage ou bien s'agissait-il simplement d'habiller d'un vernis d'objectivité une conclusion déjà établie ? Dans le même ordre d'idées, le remplacement d'un expert était-il sincère ou bien avait-on considéré que la désignation d'un expert pro-irrigation constituait une ficelle un peu trop visible ?
Le 16 septembre,le juge administratif de Toulouse rejette le recours suspensif contre l'arrêté du préfet du Tarn de novembre 2013 donnant dérogation à la Compagnie d'Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG) de détruire des espèces protégées et leurs habitats. Ce même jour, le tribunal de grande instance d'Albi se déclare incompétent après la plainte de France Nature Environnement (FNE) sur la légalité du déboisement. Oui, et alors ? Le fait que ce tribunal se déclare incompétent ne signifie pas que le déboisement soit légal mais, tout simplement, que FNE ne s'est pas adressé à la juridiction compétente. Faute d'avoir vu ce point tranché, on s'expose à violer la loi en poursuivant un déboisement dont la légalité n'est pas avérée.
Mardi 21 octobre, Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, annonce dans un tweet que la mission d'expertise a rendu son évaluation du projet de barrage de Sivens. Au conseil général du Tarn, certains n'hésitent pas à clamer qu'il est trop tard pour revenir en arrière. Si tel était le cas, pourquoi s'en remettre à des experts ? D'ailleurs ceux-ci, au début de leur mission, n'avaient-ils pas déclaré : " Pour nous, l'irréversibilité c'est la mise en eau. La coupe de bois, nous considérons aujourd'hui que ce n'est pas irrémédiable ". Alors, concertation ou simulacre ?